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Dominic Sonic : « je n’étais pas prédestiné à cette carrière »

« J’aime faire des morceaux potentiellement écoutables bien des années après… ». Jamais sous les feux de la rampe mais toujours présent, aimé et attendu par son public, Dominic Sonic fait partie des artistes qui durent. L’intemporalité de ses albums en fait un artiste phare de la capitale bretonne et de l’hexagone.

Portrait de Dominic Sonic.

A la sortie du lycée, à 16 ans, tu intègres le groupe punk de Lamballe Kalashnikov. Pourquoi les deux frères Martin et Tonio Perrault t’ont choisi ? Tu étais juste pote avec eux ou tu avais déjà des talents de chanteurs ?
C’est un pur hasard ! Je me suis fait virer de tous les bahuts de Saint-Brieuc, c’était donc compliqué pour moi de continuer ma scolarité là-bas. Je me suis donc retrouvé à Lamballe dans la classe de Martin. On s’est très vite rendu compte qu’on écoutait les mêmes trucs. J’écoutais beaucoup de hard-rock comme Motörhead et lui aussi. Il avait un patch Motörhead, cela crée forcément des liens. Il m’a expliqué qu’il avait un groupe de rock avec son frangin. J’allais régulièrement chez ses parents le week-end pour assister aux répétitions. Le chanteur avait tendance à ne pas venir régulièrement. Un jour où il n’était pas là, je leur ai proposé d’essayer de chanter. Tout a commencé comme cela. Par pur hasard ! On a commencé à répéter avec moi en tant que chanteur. J’avais vraiment une voix de merde. Notre tout premier concert a eu lieu à la MJC de Lamballe. On a réussi à trouver d’autres dates de concerts assez vite dont un petit festival à Guingamp où il y avait Jean-Louis Brossard. Cela nous a permis de sympathiser avec lui et toute l’équipe des Transmusicales. Entre temps, Tonio et Martin se sont installés à Rennes, et moi, ayant redoublé je me suis retrouvé à Lamballe tout seul. J’ai donc arrêté l’école pour les suivre. On s’est tous retrouvés à Rennes fin 1981. Je connaissais Jean-Louis Brossard, j’étais bénévole à Terrapin. Il nous a programmé assez vite. On a fait la première partie de Johnny Thunders. Il nous a programmé une nouvelle fois en 83 et de fil en aiguille, on a trouvé plein de dates. On a beaucoup tourné et on s’est tous mis à ne faire que de la musique, rien d’autre. On répétait tous les jours ! Concernant mes talents musicaux, j’avais acheté une basse pas chère juste parce qu’elle ressemblait à celle d’Angus Young et je n’avais pas non plus une grande culture musicale. Cela s’arrêtait là à l’époque, je n’étais donc pas prédestiné à cette carrière.

Mais tu as toujours voulu faire de la musique ? Comment est née cette envie alors ?
J’adorais vraiment la musique ! Je rêvais d’être dans un groupe mais je n’avais aucune culture et aucune connexion surtout. En plus, cela me paraissait insurmontable d’apprendre à jouer de la guitare. A l’époque il y avait encore les traces du rock progressif où on t’expliquait que pour jouer de la guitare dans un groupe il fallait au moins dix années de pratique. Je me disais donc que c’était pas fait pour moi, que j’étais déjà trop vieux. Les mecs commençaient à jouer à l’âge de dix ans.

Et puis, un jour, le punk est arrivé et je me suis dit que c’était possible pour moi de faire de la musique !

Pour être honnête je ne savais absolument pas ce que je voulais faire de moi. J’étais plus parti vers la délinquance. Rien ne me passionnait vraiment jusqu’à ce que je découvre la musique.

Comme tu le disais précédemment, avec les Kalashnikov, tu fais ton 1er concert fin 1980 à Lamballe. Tu as donc 35 ans de scène. Respect. Vous faites ensuite les Transmusicales en 1983. Tu disais à l’époque, en pleurant à la fin de ton concert des Trans, que tu jouais ta carrière. Tu te loupais aux Trans, tu étais finis. C’était vrai ?
C’était la réalité, il ne fallait pas se rater. Pour être tout à fait honnête, à l’époque, on n’avait à peine le niveau pour faire une scène comme celle-là. C’était donc un potentiel tremplin ou la fin de ton groupe, surtout pour les locaux comme nous. Réussir le concert n’était pas une garantie, le louper était ton arrêt de mort ! Tu étais obligé de remonter un nouveau groupe pour espérer recommencer à trouver des dates.

L’aventure des Kalashnikov a duré 6 ans, vous avez fait plus de 300 concerts. Tu en gardes quoi de cette époque où tout était permis et tout était à faire et à inventer. De la nostalgie ?
Je crois que musicalement, on ne s’est pas permis assez de choses avec les Kalashnikov. C’était une école, on progressait vite. En trois mois, on pouvait changer complètement de registre, on composait vraiment beaucoup, on jetait beaucoup aussi. En fait, on était à l’école, on a fait notre scolarité musicale pendant cette période aussi bien au niveau instrumental, vocal, jeu de scène, etc… On écoutait des tonnes de disques aussi.

Et puis, à l’époque, juste après le mandat de Mitterrand, les choses ont changé radicalement ! Il y avait une espèce de liberté nouvelle. Même si on n’avait pas de fric, on s’éclatait.

On faisait beaucoup de conneries aussi. On partait jouer dans des conditions complètement hallucinantes mais il y avait une espèce de foi, on s’amusait vraiment. A l’époque, on pouvait être potes avec des mecs qui faisaient du funk, du reggae, les registres étaient très larges et les gens se mélangeaient. Il restait quand même l’idée d’être meilleur que les autres mais cela restait des petites guerres. On s’aidait, on se refilait des bons plans, des dates, sauf quand il y avait des tremplins où il fallait gagner.

Tu étais en mode « No Future » à 17 ans. Tu disais que cela allait trop loin dans l’autodestruction, que c’était dangereux autant sur la scène que dans la vie quotidienne. Les concerts étaient de plus en plus violents, et plus personne n’écoutait les morceaux. Tu peux nous parler de cette période ? C’est pour ces raisons que tu as préféré arrêter ?
Les uns comme les autres, on ne pensait pas qu’on passerait la vingtaine. On n’était même plus dans la musique ! Au début on faisait du punk-rock, on s’est ensuite tournés vers quelque chose de plus froid. On changeait souvent d’envie en fait. Vers la fin, c’était vraiment du rock n’roll. Le côté punk était toujours là, dans le comportement, la scène. Le public, lui, était toujours le même. Des mecs à crêtes avec les codes de l’époque. Ils te crachaient dessus ! On n’en pouvait plus. On a senti un décalage total. Du coup, je réagissais mal.

Il y a plein de concerts qui ont duré douze minutes. On ne sentait plus d’écoute, plus d’attention de la part de notre public, enfin d’une partie de notre public qui n’était plus du tout raccord avec ce que l’on faisait comme musique.

On n’avait l’impression qu’on ne s’en sortirait jamais. Notre musique et le public ne correspondaient plus. A l’intérieur du groupe, on était sacrément destroyed. On avait vécu ensemble pendant des années, il y avait des lassitudes qui s’installaient. Au delà de tout cela, on était effectivement partis dans quelque chose de très auto-destructeur, principalement à cause des drogues. Je ne voyais pas où on allait. En plus, pendant les deux dernières années, j’ai appris à jouer de la guitare. J’étais donc devenu guitariste-chanteur, je composais, j’arrangeais. J’avais envie de changer de registre, on ne se retrouvait donc plus artistiquement parlant.

Tu t’es ensuite enfermé dans ta chambre avec ta gratte pour sortir un 4 titres. Tu as collaboré avec Vincent Sizorn et ton 1er album solo « Cold Tears » est sorti en 1989. Il s’est vendu à plus de 40 000 exemplaires en Europe. Ca fonctionne plutôt bien pour toi dès le début !
C’était une énorme surprise ! Le label Crammed était très prestigieux mais très underground. On rêvait d’en vendre 5000 et cela s’est fait dans les premières semaines. On a estimé autour de 50 000 la vente de cet album, cela aurait pu être beaucoup plus avec une grosse structure, mais c’était déjà énorme. On a tourné non-stop pendant trois/quatre ans. On a commencé en 86 à tourné. En 88 on avait déjà fait cent dates avant même la sortie de l’album.

Après ces débuts prometteurs, tu te retrouves enfermé 6 mois dans une chambre d’hôpital où tu écris Les Leurres qui sortira en 94. Tu peux me parler de cette période ?
Tout a commencé en Hongrie après un concert. On avait dépensé tout notre argent dans une boîte et on rentrait en taxi. Le mec affichait au compteur cent fois la prise en charge au niveau du prix. On l’a payé même si on trouvait le prix scandaleux mais le mec continuait de nous prendre la tête. J’ai voulu le calmer en sortant un couteau. On est retournés dans notre chambre mais au moment où quelqu’un a frappé, j’ai pris peur en me disant qu’il avait appelé tous ses potes pour venir nous donner une leçon. Au moment où la porte a explosé, j’ai sauté de la fenêtre et raté mon saut. Je suis tombé les jambes sur les bords en ferraille de la terrasse. Jambe cassée. En fait c’était la police car le taxi leur avait dit que je l’avais agressé avec un poignard et que je lui avais volé tout son argent. J’ai donc passé du temps à l’hôpital à Budapest car j’étais inculpé de tentative de meurtre donc pas possible pour moi d’être rapatrié en France. En plus, j’ai été très mal opéré. Au bout de douze jours, grâce à Jack Lang qui a appelé l’ambassade, j’ai pu enfin rentrer en France. Arrivé en France, on m’a dit qu’une semaine de plus et je perdais ma jambe. J’avais treize fractures dans la jambe à cause de grosses vis. On m’a opéré pendant sept heures.

J’ai passé six mois à l’hôpital et six mois en rééducation. J’ai donc pu écrire à l’hôpital et ensuite enregistrer Les Leurres assis à Bruxelles. Cet album est donc important pour moi.

Si on fait la liste de tes albums, en 96, tu sors Essais 94-96. En 2007, sort Phalanstère #7, puis The Octopus, ton 5ème album. Enfin en 2015 , tu sors Vanités #6. Six albums en vingt-cinq ans de carrière solo. Tu ne cours pas après la notoriété. Tu cherches à atteindre le truc parfait ou c’est juste une histoire de calendrier bien rempli ?
Cela n’est que des concours de circonstances. Pour le premier album, on n’a pas arrêté de tourner pendant des années. J’ai ensuite changé de label. Pour le second album, j’étais un peu perdu, je ne voulais pas faire la même chose que le premier. J’ai donc décidé de travailler en groupe. Je pense que je n’ai pas eu suffisamment de temps pour creuser l’idée. L’histoire en Hongrie ne m’a pas aidé en terme de temps. On a pas mal tourné entre 94 et 96. A cette époque, Barclay me rend mon contrat et tout se complique encore pour moi. J’ai donc ramé pour sortir Essais 94-96, j’ai fait pas mal de maquettes mais au bout d’un moment, je n’avais plus d’argent. J’ai donc fait des petits boulots dans l’objectif de rembourser mes dettes. Cela m’a d’ailleurs permis de me rendre compte que je ne pouvais pas vivre sans la musique. Il y a aussi les Sonic Machine avec qui j’ai pas mal tourné, j’ai été régisseur de Deportivo pendant plusieurs années, plein de choses qui m’ont bien occupé ! Il y avait plein d’idées qui étaient restées dans un coin et qui sont ressorties avec Phalanstère en 2007. J’ai ensuite fait du théâtre, puis tourneur des Sonics. Et puis sans label, c’est vraiment compliqué.

Un album tous les deux ans c’est l’idéal mais je n’ai pas eu l’opportunité de le faire.

En 2010, tu joues avec les Nus pour remplacer Fred Renaud, leur guitariste décédé (guitariste de Marquis de Sade).
Oui, on a joué ensemble longtemps avec Fred, on s’est aussi longtemps fait la gueule. Je garde un grand souvenir avec Fred lors de l’hommage à Bashung. Un hommage devait se faire pour son décès, je voulais jouer « Madame rêve ». Fred avait joué avec Bashung sur « Osez Joséphine ». On avait répété pendant trois jours. Seulement « Madame rêve » a été joué par M, on nous avait prévenu la veille. Du coup on a bossé « A perte de vue ». Le jour de l’hommage M a fait sa version. Manque de bol, je ne la trouvait vraiment pas bonne. On l’a donc joué nous aussi. On était fiers de notre version. Ensuite avec Fred on est restés en contact. Fred est décédé de manière subite. Les Nus étaient programmés aux Trans et voulaient absolument faire cette date. Ils m’ont donc demandé. Sauf que je ne suis pas Fred, je n’ai pas son niveau… On a quand même fait ce concert, cela m’a demandé beaucoup de boulot car c’était compliqué. Après je ne suis pas guitariste, ce n’est pas mon boulot, je ne me sentais pas légitime et je pensais qu’un seul guitariste suffisait. J’ai rendu mon tablier. Ensemble, on a fait trois concerts.

Christian c’est le premier mec que j’ai rencontré en arrivant à Rennes, on a bossé ensemble, on a collé des affiches ensemble pendant des années !

Tu t’es entouré des Bikini Machine depuis 2 albums, Frank et Patrick. Il y a aussi Mik pour le mixage. Vous avez crée Sonic Machine ensemble pendant quelques temps.
Après mon disque qui s’appelait Essai 94-96, je faisais des concerts avec des formations un peu improbables. Je connaissais bien Franck. J’ai eu Fred des Bikini à la batterie, j’ai fait pas mal de choses aussi avec Yves André. Je me suis dit qu’il fallait qu’on fasse un truc tous ensemble. Je ne voulais pas qu’on fasse cela sous mon nom. On a donc cherché et on a trouvé le nom le plus facile qui soit. On n’a pas fait énormément de concerts. On pensait rester anonymes sous ce nom, idée totalement débile, les gens ont très vite compris qui on était. Je continue de travailler avec eux aujourd’hui. Il y a Yves André qui ne veut plus faire de batterie aujourd’hui pour des raisons médicales. On a donc pris le petit Romain.

Vous avez un collectif, un studio qui s’appelle Studio Casino dans la campagne rennaise.

Le studio est d’abord celui des Bikini Machine, moi je suis adhérent du collectif depuis très longtemps. Tout mon matériel est là-bas. Tous les membres actifs de ce collectif peuvent enregistrer dans ce studio. Petit à petit on achète du matériel, on met tout en commun. Moi c’est mon studio d’enregistrement depuis une quinzaine d’années. J’enregistre à Rennes.

Tu as connu les années Barclay au début des années 90, t’en gardes quoi ? Tu as signé avec Philippe Constantin qui a aussi signé Baschung, Noir Désir, … Tu es peut-être content d’avoir quitté Barclay finalement ? C’est pas vraiment ta façon de concevoir la musique si ? Tu es loin de la production commerciale.
Chez Crammed, qui était un label que j’aimais beaucoup, à l’époque où j’ai vendu 50 000 albums, j’ai touché 15 000 francs. Cela aurait plutôt dû être 300 ou 400 000 francs. On avait fait je ne sais combien de dates, vendus beaucoup d’albums et je n’avais pas de tune. Plusieurs labels ont voulu racheter mon contrat, il y a eu une surenchère. Philippe Constantin de chez Barclay a voulu me rencontrer. Il voulait me signer pour trois albums puis dix ensuite. Il me laissait faire ce que je voulais artistiquement, comme avec Bashung, et était persuadé qu’un jour ça allait marcher. Il ne me demandait aucune concession, je faisais ce que je voulais. A une soirée PolyGram sur Rennes j’ai découvert que Philippe Constantin n’était plus le patron et que mon nouveau patron était Pascal Nègre. La première phrase qu’il m’a dit c’est : « vous nous avez coûté une fortune, vous avez intérêt à vendre du disque !» (vu qu’ils avaient racheté mon contrat). Voilà, tout avait changé ! Moi j’avais signé avec un individu, pas avec un label. Constantin c’était un passionné de musique et humainement il était incroyable. Et quand ils m’ont viré, cela n’a pas été simple pour moi. J’ai ensuite croisé beaucoup de petits commerciaux qui sortaient de leurs écoles avec qui tu ne parlais pas musique mais commerce, fric…

Maintenant parlons de toutes tes rencontres, nombreuses et inattendues.

Pour toi l’album « Funhouse » des Stooges c’est THE album. En 2003, lors des Transmusicales, tu es leur invité surprise, que dis-je LE chanteur des Stooges ! Ca t’as fait quoi car tu dis que tu connais tellement leurs morceaux par coeur que tu avais l’impression de jouer avec ton groupe ? Ca s’est organisé comment et t’en gardes quel souvenir ?

A l’époque, je bossais, je n’étais plus trop dans la musique. On m’avait invité au concert des Noirs Désir où je croise Jean-Louis Brossard. Il me dit : « est-ce que ça te dirait de jouer avec ton groupe favori ? » Je lui répond : « oui évidemment mais on ne doit pas parler du même groupe ». Il me dit que si. Jean-Louis avait fait plusieurs propositions au groupe. Il avait sélectionné Bertrand Cantat, Philippe Pascal et moi. Bertrand et Philippe ayant décliné, il ne restait plus que moi sur la liste. Eux ne savaient pas du tout ce que je faisais. Jean-Louis leur avait envoyé des disques, ils les trouvaient bien mais voulaient se rassurer en organisant une répétition la veille. Un moment super cool.

Je me suis retrouvé dans le local des Percubaba en rase campagne avec les Stooges, avec les deux frères Asheton.

J’ai réalisé en quelques minutes les raisons de la qualité de ce groupe. Ils n’avaient rien réglé, les instruments étaient ceux du local et dès qu’ils ont commencé à jouer, c’était Funhouse direct. Leur son était incroyable. Ce jour là j’ai chanté tous les morceaux, je me souviendrai de ce moment toute ma vie. Je ne savais pas combien de morceaux j’allais jouer sur scène. Pendant les balances, j’ai chanté « I wanna be your dog » et « No fun ». Finalement je n’ai chanté qu’un seul morceau, car les autres invités comme Nick Cave et PJ Harvey n’en avaient joué qu’un seul. Un super moment. Les frères Asheton sont des mecs vraiment chouettes. En sortant, je me suis dit que la boucle était bouclée. C’était pour moi le truc ultime. J’ai eu la chance de rencontrer pratiquement toutes mes idoles. J’étais aussi un grand fan des Saints et quand Jean-Louis Brossard cherchait quelqu’un pour accompagner Chris Bailey sur sa tournée, il a pensé à moi. J’ai donc aussi été tour-manager de Chris Bailey ! Avec ma ford fiesta…

Tu as été sollicité par Bashung pour écrire des textes ?
Bashung était aussi chez Barclay quand je venais de signer. J’ai su qu’il voulait me rencontrer. A l’époque j’habitais à Rennes donc c’était un peu plus compliqué. Il avait annulé sa date à Rock en France car il voulait jouer avec moi mais cela n’était pas possible. A l’époque il mettait un groupe français et un groupe étranger, jamais deux français le même soir. Il avait donc refusé de jouer. C’est le premier écho que j’avais eu sur Bashung et je trouvais cela étrange. Barclay insistait sur le fait qu’il voulait vraiment me rencontrer. On a finalement fait un festival ensemble dans le Massif Central, on a pris le train ensemble. On a commencé à parler tous les deux et il y avait une espèce d’évidence absolue. Il m’a invité le soir même à le rejoindre sur scène. On est ensuite restés en contact et il s’est mis à m’appeler tous les jours. Un jour il m’a demandé des textes. Malheureusement, cela n’était pas ma priorité à ce moment là. J’avais de gros soucis personnels. Il insistait tellement que, au final, je lui ai envoyé de la merde, des trucs faits vite fait. C’est un de mes plus grands regrets…

Quand il a sorti « Osez Joséphine », j’y ai retrouvé une phrase de moi. Je lui avais envoyé la phrase : « des moments durent plus que des moments doux » qu’il a changé en « et que ne durent que les moments doux ».

Je pense qu’il a été très vexé car il devait penser que j’avais pris cette mission à la légère alors que cela n’était pas du tout le cas. On s’est recroisés de temps en temps.

Tu as guidé les Sonics à travers l’Europe en tant que régisseur. Ca s’est passé comment ? Ils t’ont même proposé de s’appeler les The Dominics à la fin de la tournée. Quel honneur !
J’ai reçu un coup de fil d’un certain Buzz, tourneur à Bordeaux. Ce mec savait que je faisais de la régie et cherchait quelqu’un pour les Sonics. On s’est vraiment bien amusés. Ils sont adorables. De très bons moments. C’était vraiment improbable. Bosser avec ce groupe des années soixante…

Tu aurais refusé de manger avec Bowie ? Tu aurais eu ce luxe !

J’étais allé voir Bowie au Théâtre de St Servan. Il répétait à St Malo avant sa tournée mondiale. Son tourneur français Alain Lahana était un malouin. Il nous avait donc invité avec Jean-Louis et quelques personnes des Transmusicales. On avait déjà eu la chance d’avoir un concert privé. A la fin du concert, Alain m’a présenté à Bowie qui me propose de manger avec lui. J’avais emmené tout le monde en voiture de Rennes. Une des personnes me demande comment faire pour rentrer à Rennes en me donnant un petit coup de coude. Du coup, comme un abruti, j’ai refusé l’invitation en lui disant que je devais ramener du monde. Je suis parti comme cela ! J’aurais pu leur donner les clés, leur dire d’aller au resto en attendant ou je ne sais quoi mais non j’ai juste refusé sans réfléchir… J’aurais pu passer un bon moment et qui sait…

J’ai entendu parlé d’un concert avec Lou Reed. Tu peux m’en parler ?
J’étais sur Paris en 92, période où je n’allais pas très bien. Un soir, j’ai fini chez Elliot Murphy qui m’a emmené voir Lou Reed au Théâtre des Champs-Elysées, il avait des invitations. Pendant la soirée Elliot s’est barré. A la fin du concert, je me suis retrouvé avec ma valise devant le théâtre des Champs (je ne sais plus pourquoi j’avais ma valise). Je me demandais bien où j’allais finir ma soirée. Je suis tombé sur Jules Frutos, le tourneur de Lou Reed qui se demandait ce que je faisais là. Il m’a mis un pass autour du coup et m’a emmené avec lui à l’intérieure. Il m’a présenté Lou Reed, on a dîné ensemble et Jules Frutos m’a payé une nuit d’hôtel (que je n’ai jamais trouvé).

Tu as aussi fait la première partie des Violent Femmes ?
J’étais un gros fan des Violent Femmes. Le bassiste jouait à l’époque avec Elliot Murphy. Je l’avais croisé à l’Ubu et lui avais filé une cassette de mon album Cold Tears. Il s’en est souvenu quand j’ai fait leur première partie et m’a dit qu’il avait usé sa cassette ! C’est marrant c’est souvent les mecs qui m’ont le plus impressionnés musicalement les plus sympas. Ils te mettent d’égal à égal. C’est super simple finalement. J’ai aussi rencontré plein de trous du cul. J’étais runner à Rennes pendant des années, j’ai donc rencontré aussi des ignobles personnes. Et des grandes personnes comme Gainsbourg.

J’ai bu des coups avec Gainsbourg pendant des heures alors que j’étais sensé bosser.

L’organisateur n’était pas content mais Gainsbourg, en blaguant et en sortant un billet de 500 balles lui a dit : « s’il faut, je te l’achète ! ». (Rires) Ce que j’en garde c’est que je me dis que j’ai eu la chance de rencontrer ceux qui m’ont fait, ceux qui m’ont donné envie de faire de la musique.

Pour continuer dans tes collaborations musicales, tu as aussi été le backliner de Deportivo ?
Ouais j’ai fait cela pendant deux/trois ans au tout début de leur tournée. On a fait beaucoup de dates mais c’était une catastrophe. J’ai passé mon temps à réparer du matériel, c’était l’enfer et en même temps sympa parce que j’ai accompagné leur progrès techniques, musicaux et humains. J’en garde un bon souvenir mais c’était du sport, ça cassait beaucoup de cordes, de matos. Pas une seconde de tranquillité !

Tu as aussi écrit l’album de The Octopus ?
Non je l’ai juste réalisé. J’étais dans le jury des jeunes charrues quand ils ont gagné. Ils cherchaient quelqu’un pour réaliser leur disque et comme on avait bien sympathisé ça c’est fait comme ça. Malheureusement, l’album a été mal distribué. C’est dommage parce que ça jouait grave, ça méritait de réussir.

En ce moment, tu travailles sur le premier album de Olivier Delacroix (le chanteur de Black Maria)
Oui, je suis en train de le finir. On se connaît depuis très longtemps, depuis les Kalachnikov, on a tourné ensemble. On était voisins à Paris. On s’est donc dit qu’on allait bosser ensemble. On fait quelque chose de très différent, très dépouillé, plus acoustique. On est en train de finir, l’album sortira sûrement en fin d’année.

Tu as aussi fait du théâtre au côté de Jackie Berroyer en 2008 dans la pièce « La loi des pauvres gens », du nom de l’une de tes chansons. Tu peux m’en parler ? Tu avais quel rôle ?
Dans la pièce, j’étais musicien. J’avais rencontré Sylvain Chantal lors d’une fête de la musique très pluvieuse à Nantes. On avait échangé nos numéros. Quelques temps plus tard, il m’a appellé en me disant qu’il avait écrit une pièce qui s’appelait « La loi des pauvres gens ». Il cherchait l’acteur principal. Je lui avait suggéré Jackie Berroyer qu’il croisa le soir même dans le métro. C’était une création sur Nantes au Lieu Unique. C’était une expérience drôle pour moi. Je ne me sentais pas comédien du tout. On m’a proposé un rôle dans un film de Pascal Breton, j’ai fait 50 000 essais et ça ne l’a pas fait. C’est vraiment quelque chose que je ne sais pas faire…

Tu es pote avec Miossec, Dominique A, … Une vraie petite famille !
On se connaît tous ! D’ailleurs, cela me fait penser à une anecdote. J’accompagnais Miossec sur sa première tournée. Il s’est retrouvé programmé dans un festival. Il avait l’opportunité de faire la première partie de Patty Smith. Elle voulait une audition. Miossec avait réussi l’audition et elle était donc ok. Lorsqu’elle est montée sur scène pour lui dire que c’était oui, Miossec lui a serré la main et moi je lui ai claqué la bise ! La chose à ne pas faire ! J’ai bien senti que ça ne lui avait pas du tout plu ! Elle avait pris cela comme une agression. Je n’avais pas fait gaffe que les autres lui serrait la main. Moi j’étais juste content de la rencontrer !

Tu as d’autres anecdotes à nous raconter ? Des rencontres improbables que tu n’as jamais dit ?
As-tu réussi à dîner avec Léonard Cohen ?

Non j’aurais adoré !
J’ai aussi été le chauffeur de Ray Charles. Il y a plein de gens que j’aurais aimé rencontrer. Mais dans les musiciens, j’ai plutôt eu de la chance. Même en littérature, Jean Echenoz ! Il était dans la chambre au-dessus de la mienne pendant mon histoire en Hongrie à Budapest. Depuis on est amis. On va essayer d’écrire des chansons ensemble. Bashung restera mon seul regret et ma rencontre la plus importante.

Merci Dominic…

Propos recueillis par Cath
Crédit photo : Julien Bourgeois

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