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Pegase – ballade ailée

Jeudi 6 février la scène Nantaise était à l’honneur à l’Ubu avec Elephanz – Dead Hippies et Pegase.  On en a profité pour rencontrer Raphaël, producteur, chanteur, compositeur de Pegase  le groupe revenait à Rennes après les Transmusicales 2012…On avait plein de questions à lui poser.

J’ai vu que ton nom « Pegase » venait bien sûr du cheval ailé, la créature mythologique, mais aussi d’un personnage du dessin animé Saint Seya (NDLR : les chevaliers du Zodiac en France, dont le héros est le chevalier Pegase)

  « Quand on est petit, toutes les choses interdites sont aussi les plus cools. À la fin des années 80, c’était l’arrivée des dessins animés japonais qui, mine de rien, étaient super violents, et mes parents, comme tant d’autres étaient flippés par ça. C’était une autre culture. Ils n’étaient pas trop TF1 ou Club Dorothée, j’avais le droit de regarder Olive et Tom parce que c’était du foot mais les Chevaliers du Zodiac, c’était le dessin animé interdit… Faut dire que c’est aussi histoire de cul sur histoire de cul, et entre cousins, c’est un peu bizarre, mais parce que c’était tout simplement de la mythologie. Et malgré les interdictions, on se débrouillait tous pour pouvoir regarder cette série : chez les copains, ou quand la nounou était là parce qu’elle nous l’autorisait. J’aime beaucoup les dessins animés ou la mythologie est projetée dans le futur, comme Ulysse 31, ou c’est donc Ulysse dans un vaisseau spatial. La Guerre des étoiles reprend pas mal ce principe, il y a beaucoup d’interprétations de mythes. Et étant fan de fantastique, tout ça… »

– Penses-tu que les mythes fondent le monde ?

 » Hum. Je ne crois pas. Je ne sais pas si dans 1000 ans, il y a aura des mythes de notre époque… Est-ce qu’avec les disques durs, toutes ces méthodes d’enregistrement, si ça s’efface, ça durera vraiment ? Les mythes d’il y a 1000 ans, on n’est pas vraiment sûr en fait, ce sont des suppositions. Est-ce qu’on est dans une époque qui va créer des mythes pour plus tard, alors qu’on fantasme énormément sur le passé ?

 Mais j’ai envie d’y croire quand même. »

– Dans ton univers, il y a un côté mélancolique justement, un rapport au passé un peu rêvé et fantasmé.

« Carrément. Alors que je ne suis pas quelqu’un de spécialement tourné vers le passé, plutôt vers le futur. Mais je ressens tout ça plutôt comme un miroir, ou finalement tout se reflète. Comme si le temps était cyclique. C’est un peu ce que je voulais dire avec le dessin animé Ulysse 31 par exemple, un élément d’avant projeté dans l’avenir. Je ne suis pas quelqu’un de nostalgique, mais on est tous un peu perdu entre le passé et le futur. C’est une définition du présent, tout simplement. »

  – Si tu devais choisir un adjectif pour te définir toi et ton univers, ça serait lequel ?

« Si je ne devais choisir qu’un mot, ça serait Pegase, même si ce n’est pas un adjectif. Je n’en vois pas d’autre qui convienne mieux, il regroupe tout. J’ai fait mon premier morceau et c’était une évidence : mon nom serait Pegase. Et finalement c’est ce nom qui est ma ligne directrice. C’est un peu une sorte de muse, même si ce n’est pas la seule. D’habitude, quand on travaille en solo, on prend son propre nom comme nom d’artiste, mais j’ai choisi autre chose, parce que j’avais envie d’aller au-delà de moi-même. Utiliser un surnom c’était une manière de m’élever. Après, ça fait un peu prétentieux d’utiliser une créature divine pour ça, mais c’est plus pour essayer de sublimer ce que je fais. Et ça rappelle le fait que j’ai envie de transporter le public dans un autre univers. »

– Pourquoi le choix de l’anglais pour tes chansons ? As-tu envie de conquérir le monde ?

« Non, je ne fais pas ça avec un esprit de conquérant. La raison est plus égoïste qu’autre chose. Chanter en anglais, ça me semblait plus naturel. 80% de la musique que j’écoute est en anglais, je n’ai pas une super connaissance de la musique française… Et puis bizarrement, tu vas en Italie, ça a beau être un pays frontalier à la France, ils ne connaissent pas les groupes qui se vendent le plus en chez nous par, alors qu’ils vont connaitre par exemple Air. Ce n’est pas que j’ai envie de faire comme les Américains ou les anglais, mais ça me plait qu’un mec en Ukraine puisse écouter ce que je fais, que ça puisse le toucher. Après il y a toujours des contre-exemples, des artistes français qui ont réussis à l’étranger, mais ça reste plus difficile. J’ai voulu faire un morceau en français mais ce n’est pas venu. Ce n’était pas instinctif. L’album s’est fini et il n’y en avait pas… Et comme je n’aime pas me forcer… Mais ça viendra peut-être. »

Un peintre ne va pas spécialement s’inspirer d’un autre tableau pour créer

– Et quelles sont tes inspirations ?

« Je n’aime pas trop m’inspirer de la musique pour en faire. Un peintre ne va pas spécialement s’inspirer d’un autre tableau pour créer, il va chercher dans un paysage, dans de la musique… J’aime beaucoup le cinéma, et ça m’inspire beaucoup par exemple.

Après, avec les tournées, c’est l’occasion de se faire découvrir plein de musique, les uns les autres, qu’on écoute en voiture ou ailleurs. Ça c’est sympa. Et comme je suis Dj’s à côté, j’en écoute beaucoup, en effet. Mais quand la journée est finie, qu’on a fait du son pendant 16 heures en studio, on ne va pas forcément aller encore écouter de la musique, faut faire une pause. Je vais voir une expo, ou un film… Quand je suis en période de composition, je n’en n’écoute pas.

Après j’ai déjà lu que Pegase ressemblait à des groupes dont je n’ai jamais entendu parler. J’imagine que c’est un hasard, ou qu’on a des goûts en commun, etc. Je ne comprends pas trop l’idée de comparer, c’est peut-être pour se rassurer. Mais en inspirations musicales, non, je n’en ai pas vraiment en fait. « 

– Tu parlais du cinéma, alors justement, si tu pouvais faire la bande-son d’un film, ça serait lequel ?

« J’ai un peu construit mon album comme un film alors… si c’était un film, ça serait probablement le mien mais… Je n’ai ni d’idée de nom, ni une vague idée de ce que ça pourrait être. Je n’ai pas trop recul… Je ne sais pas en fait ! »

Avant tu étais dans le groupe Minitel Rose, qui est plus electro. Est-ce que pour toi, c’est une vraie rupture ou est-ce que le projet solo de Pegase a toujours été là ?

« J’ai toujours eu un rapport très solitaire à la musique, j’ai commencé tout seul assez jeune, vers 3 ans, puis la composition vers 11 ans. J’ai eu ensuite des projets avec des groupes au collège et au lycée, mais je me suis rapidement intéressé à la production. J’ai monté Minitel Rose tardivement, à 22 ans. Du coup c’était le fait de monter un groupe qui était nouveau pour moi, et à côté j’ai continué à travailler tout seul. Mais je n’étais pas pressé. Pegase est né il y a 6 ans et je sors mon album seulement maintenant, je prends mon temps. Minitel Rose m’a permis de me faire de l’expérience, de rencontrer des gens, faire du live, ce qui est complètement différent quand on est seul ou à plusieurs. Ça fait un point de comparaison entre le live et le CD aussi. Et puis les membres de Minitel Rose étaient aussi des bons amis en plus d’être des bons musiciens, ça aide.

 D’une certaine façon, Pegase a toujours été là, depuis que je suis né. Je ne me planque pas derrière un symbole. J’ai toujours été un peu ailleurs, a aimé le fantastique… Ceux qui me connaissent bien, savent que c’est une partie de moi. »

– Si tu n’avais pas été musicien, quel métier aurais-tu fait ?

« Dans le cinéma. Même maintenant c’est quelque chose que j’ai envie de faire. « 

– On voit d’ailleurs que tes clips sont très soignés.

« Ouais, l’image, la vidéo… C’est important pour moi. »

– Est-ce que tu veux apporter quelque chose de plus au public avec tes clips ? Est-ce qu’il y a un message à comprendre dedans, au-delà ou en plus de la musique ?

« J’ai envie de laisser les gens imaginer et interpréter comme ils en ont envie. Je n’ai pas vraiment de règle pour ça, c’est instinctif. La seule règle, c’est que je ne veux pas faire deux fois la même chose. À partir de ça, on laisse le truc se faire. Ça n’empêche pas qu’il y ait une cohérence entre les clips, dans l’univers. Il y a des messages dans le clip certes, mais j’aime bien les garder pour moi, que ça soit un peu secret, que des gens puissent y voir ce qu’ils ont envie d’y voir. « 

– Est-ce qu’il y a des points récurrents dans tes clips ? Comme l’image de Pegase, ou même ta compagne qu’on peut voir plusieurs fois également.

 « Oui en effet. Elle est dans deux de mes clips. C’est peut-être elle la chose la plus récurrente. Après, même si c’est récurrent, j’aime bien que les gens puissent s’interroger et trouver plusieurs raisons à cet élément. Que ça puisse avoir un aspect un peu étrange peut-être. Que ça change en le regardant une fois, deux fois… C’est intéressant quand tu vois des éléments nouveaux à chaque fois que tu regardes un film par exemple. »

– Et ta compagne est une sorte de muse ?

‘Oui, il y a beaucoup, beaucoup de chansons qui parlent d’elle. Ce n’est pas mon unique inspiration, mais elle m’inspire. C’est pour ça qu’elle est dans mes clips d’ailleurs. C’est un personnage et une personne importante pour moi, la dernière chanson de mon album, qui s’appelle « Diana », lui est dédiée d’ailleurs, et c’est même ma préférée. »

– Quelle est, selon toi, la meilleure chanson pour faire l’amour ?

« Ouah… Ce n’est pas possible comme question ça… C’est compliqué ! J’ai plusieurs chansons qui me viennent à l’esprit mais… ça dépend avec qui en fait ! Non je passe. »

Je ne suis pas trop le genre de mec à sortir ma guitare sur la plage et à pousser la chansonnette en te regardant dans les yeux

– Ton meilleur et ton pire souvenir de concert ?

« Et bien c’est le même en fait ! C’était à Brest, au cabaret Vauban. À chaque concert, on surélève nos amplis, mais avec les vibrations, l’ampli basse bougeait. Au bout d’un moment, on entend un gros bruit, on se retourne avec le bassiste et l’ampli a disparu. Alors que c’est le genre d’objet qui est gigantesque, faut être deux pour le porter… Pendant que le mec au clavier a fait tourner l’introduction du morceau Blame, ça fait deux accords en boucle. On avait peur que les gens partent, mais ils étaient quasi-hypnotisés et quand le morceau a vraiment démarrer, c’était puissant et il s’est passé comme un truc. Et pour la petite histoire, il restait 20-25minutes de concert, et mon ami Romain a tenu l’ampli tout le temps qu’il restait, caché derrière, au début personne l’avait vu, et à la fin du concert, j’en ai parlé aux gens et tout le monde l’a applaudi. C’était assez dingue. On a fait un rappel en acoustique alors qu’habituellement je ne fais pas de rappel, et encore moins en acoustique. Je ne suis pas trop le genre de mec à sortir ma guitare sur la plage et à pousser la chansonnette en te regardant dans les yeux, je viens plutôt de l’univers de la musique produit, c’est mon côté geek. Mais là c’était magique et ça s’est fait. Naturellement. »

– Si tu pouvais faire la première partie d’un artiste, n’importe lequel, vivant ou mort, ça serait qui?

« Albinos Congo. »

– Que penses-tu de la scène rennaise ? Y-a-t-il une scène rennaise pour toi ?

« Oh oui je trouve, c’est comme à Nantes. Je trouve même que c’est une scène importante en France, y’a un truc. On se croise de temps en temps, y’a quelque chose qui nous lie. Dans tous mes projets, Rennes est une ville qui m’a soutenu. Et puis même si à Nantes, on n’est pas vraiment breton, on a tous un parent breton, on a le château, la tour… Y’a un lien. Là par exemple j’ai un pote qui vient de m’appeler, un musicien rennais, qui vient me voir ce soir, c’est sympa. « 

– Sur Twitter, on a demandé aux internautes s’il avait des questions pour toi et il y a en a ! Alors voilà :

Capture d’écran 2014-02-17 à 22.05.26 

« C’est une scène très intéressante, très riche. C’est aux États-Unis, mais c’est une musique italienne, je trouve. C’est un peu la musique italienne du futur celle de Portland, ce sont même des ambassadeurs du stylo italo-disco là-bas. J’ai volontairement sorti 2 EP – 2 titres, courts, qui étaient importants pour moi. Ça faisait juste ce qu’il fallait de morceaux, ni trop, ni pas assez. C’était plus une invitation à l’album, presque du teasing. Comme avec le titre « Out of Range » qui l’annonçait vraiment. Au final, il y avait 6-7 titres inédits sur l’album, qui en compte 12… plus de la moitié est inédite en fait. »

 

– Tu parles du titre Out of Range, et justement j’ai plusieurs interprétations pour ce clip, mais… est-ce qu’il y en a une ?

« Pour ce clip là, j’ai donné carte blanche à Nicolas Davenel. Il m’a envoyé un scénario en disant que je pouvais changer ce que je voulais, mais en le lisant j’ai vraiment ressenti ça comme un cadeau de sa part. Il me connait bien et il a vraiment mis tout ce que j’aime. On a modifié des petites choses au tournage, mais c’était pour des raisons pragmatiques. Il a réussi à me convaincre de jouer dedans aussi… Il s’est inspiré de la chanson, des paroles, mais au niveau de l’interprétation, c’est son bébé on va dire, même s’il l’a fait pour moi, et pas juste pour se faire plaisir à lui. Ça m’avait vraiment touché. »

Et bien merci beaucoup Raphael, d’avoir répondu à toutes nos questions.
Propos recueillis par Sophie Barel

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