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[GRAND SOUFFLET] Washington dead cats : « Etre un rockeur c’est parler de ce qui se passe autour de soi, de ce qui t’agresse, de ce qui te fait réagir. »

Les Washington Dead Cats étaient à Rennes la semaine dernière à l’occasion du Grand Soufflet.

Rencontre avec Mat Firehair.

Comment ça va ?

Ca va plutôt bien ! C’est notre 2ème date de tournée aujourd’hui. On part pour une vingtaine de dates dont cinq en Angleterre et une en Suisse. On arrête à Noël pour sortir un nouvel album en mars avec une tournée derrière. On vient de sortir un double album live électro-acoustique, c’est une tournée où on joue pour la première fois en électrique et acoustique. On reviendra à l’électrique après Noël.

Content de jouer au Grand Soufflet ?

Oui, ravis ! Ca va faire une belle soirée, ça colle plutôt bien avec les filles qui vont faire du burlesque et ça nous change des festivals rock et punk. Et puis on connaît l’équipe, c’est marrant de jouer dans ce cadre là. On a déjà joué avec les filles avec mon groupe de jazz et aussi avec les Washington il y a une dizaine d’années. C’est notre première fois au Grand Soufflet !

Vous êtes le plus ancien groupe de rock indépendant européen encore en activité. Vous êtes revenus en 2000 après une pause de 10 ans. Pourquoi ce retour ?

On est revenus pour faire des concerts de soutiens principalement.

On a beaucoup tourné pendant 10 ans en Europe, on était énormément sollicités et un jour, j’ai saturé. Je ne voyais plus le sens du groupe.

On jouait à nouveau dans les mêmes salles. J’avais 25 ans quand on a arrêté. On était tous d’accord.

Vous ressentiez de la lassitude ?

Oui, on a arrêté parce qu’on avait vécu tout le rock alternatif, l’explosion du mouvement. A un moment donné tu te dis que c’est un peu la fin.

Vous aviez peut-être la sensation d’avoir perdu le côté rebelle ?

C’est marrant que tu me dises ça mais un jour j’arrive à Montpellier pour faire une de mes dernières interviews. J’avais à peine 26 ans et le mec me dit : « toi qui est un dinosaure du rock alternatif ». Ca fait mal… Je me suis dit qu’il était temps de faire autre chose ! Il m’a motivé à monter un autre groupe pour être un jeune dinosaure.

Et ma question dans l’autre sens, pourquoi avoir repris ? Qu’est-ce qui vous a motivé à revenir en 2000 ? Uniquement les concerts de soutiens ?

On a repris d’abord parce qu’on était potes. C’était à l’époque de tout le rock fusion, le pop rock. On avait envie d’entendre du rock mais on n’en entendait pas donc on s’est remis à jouer.

Et on s’est dit tant qu’à jouer autant que ça serve à quelque chose, donc on est revenus en faisant des concerts de soutiens vu qu’on a toujours été un groupe assez militant.

Et puis, au bout de 3 ans, on a enregistré un concert, on a sorti un mini album et tout ça nous a donné envie de faire un album. On n’a plus décroché ! On a dû faire 1600 concerts depuis ! On est contents, on fait des disques, on se marre, on essaie des trucs comme l’acoustique. On va bientôt sortir un nouvel album qui sera plus « rentre dedans ».

Si on revient un peu sur l’historique des Wash. Vous vous êtes formés en 1984 sur quelles bases ?

On aimait bien des groupes punk comme les Clash, les B-52’s, des groupes de rockabilly anciens, aussi bien Hank Williams que Jimmy Vincent en passant par The Stray Cats. On voulait monter un groupe qui ferait se rejoindre ce qu’on aimait bien dans le punk rock qui était une urgence, un côté immédiat.

Le punk rock disait : tout le monde peut prendre une guitare, monter sur scène et faire un groupe.

Ce côté associé au rockabilly qu’on aimait bien, qui est une musique de danse, qui a un côté plus glamour. On avait donc envie de faire un truc dansant glamour mais quand même « rentre dedans » qui t’arrache la tête. On a voulu lier la conscience d’urgence, l’éthique sociale et politique du punk rock au rockabilly. On a voulu faire un mélange de tout ça, du neuf avec du vieux. Ca n’a pas été facile. Les Teddy Boys nous détestaient, ils ne comprenaient pas pourquoi on faisait du rockabilly punk, c’était un peu compliqué.

Vous, vous vous affichiez en punkabilly, ce mélange entre 2 milieux, 2 mondes.

C’est une histoire de mentalité. A la base, je suis un grand fan de rockabilly et de blues. A un moment donné il y a eu les Cramps.

Les Cramps sont allés piocher dans tous les trucs des années 50 un peu obscurs, ils ont mis des paroles de films d’horreur autour, ils ont joué ça de manière un peu plus crade et le punkabilly est né !

Le psychobilly était une manière de jouer du rockabilly mais plus rentre dedans, plus violent, plus actuel avec des thèmes qui tournaient autour de l’horreur. Après, au fil du temps, nos influences se sont élargies en écoutant de la country, du surf, du jazz, de la soul, etc… Moi j’aime bien les musiques dans lesquelles il y a une urgence. Je suis hermétiques à la pop rock, à l’électro. Pour avoir beaucoup écouté de blues, j’aime les musiques qui ont une âme, les gens qui ont quelque chose à dire, qui sont eux sur scène. Depuis le temps qu’on tourne, on a vu plein de nouveaux groupes arriver. Deux ans après, tu les recroises, tu les reconnais parce qu’ils ont fait ta première partie et ils ont un nouveau groupe. En fait, ils ne parlent pas de musique ou de groupe, ils parlent de projets. C’est un concept qui m’échappe totalement ! Un tel du projet A se met avec un tel du projet B pour faire un projet C parce que ça ne marchait pas très bien donc on s’est mis ensemble pour faire un nouveau projet. Il y a des groupes de pop rock qui se mettent à faire de l’électro, ils se croisent, il n’y a pas d’histoire de groupe. C’est ce que j’aime dans le jazz, le blues, le punk rock. Ce sont des personnes qui font une musique qui leur parle, qui ont une histoire, un vécu. Ils ne sont pas là pour faire des bons coups sinon je serais Rihanna ! C’est une autre conception de la musique mais je ne pourrais pas faire autrement. Je ne pourrais pas chanter des chansons de Pascal Obispo. Je dis ça, mais il avait fait une de nos premières parties il y a longtemps, il était bassiste dans un groupe de new wave.

Eh ouais, j’ai quand même eu Pascal Obispo en première partie ! Je peux m’en vanter !

Et puis, ça l’a peut-être aidé finalement. Il s’est dit : « si je veux gagner de l’argent, faut pas que je fasse comme eux ». (rires)

Tu peux me parler de toute cette scène à l’époque ? Certains concerts des Wash étaient violents non ? J’ai entendu parler de 18 points de suture !

On a commencé dans les années 80/84 à l’époque où les gens qui écoutaient du rock n’étaient pas tatoués. A l’époque, le seul mec qui était tatoué, tu le laissais tranquille. Les gens marchaient beaucoup en bandes. Il y avait les skinheads, les rockeurs. Chacun avait son look, ses codes. Tout le monde se tapait un peu dessus. Avant les rappeurs dans les banlieues, c’étaient les rockeurs qui se bastonnaient. Donc il y en avait une partie dans notre public. En plus, on s’est mis pas mal de monde à dos parce qu’on a toujours été fondamentalement un groupe antifasciste, et les gens te disaient qu’il ne fallait pas faire de politique quand on faisait du rock. Sauf que moi j’ai toujours considéré que Elvis Presley a fait de la politique. En tant que blanc il s’est mis à chanter comme un noir.

Etre un rockeur c’est parler de ce qui se passe autour de soi, de ce qui t’agresse, de ce qui te fait réagir. Le rock correspondait à mon envie de faire bouger le monde et d’être différent.

Et puis, quand tu faisais du rock à l’époque c’était un acte de rébellion sociale, de ne pas vouloir marcher droit, de ne pas vouloir faire la même chose que tout le monde, d’aller chercher autre chose. Et puis, avant tout, le rock est une forme de créativité, c’est se poser des questions, remettre les valeurs du monde en cause puisque finalement tu choisis un autre chemin. Tu te dis que tu peux peut-être arriver à faire quelque chose de ta vie qui est peut-être autre que celle qu’on te propose.

Vous vous démarquiez à l’époque par votre attitude antifasciste.

On était assimilés au rockabilly. On nous reprochait de jouer avec les Béruriers Noirs qui étaient des potes, avec qui on a fait des tournées. On a été un des 4 premiers groupes à signer chez Bondage, ce qui a crée le rock alternatif avec Nuclear Device, Ludwig Von 88 et les Bérus. On tournait tous ensemble, on faisait des tournées antifascistes. Les lignes ont bougé et on a fini par être acceptés.

Tu peux pas faire du rock, du punk rock et être fasciste ou raciste. Quand tu écoutes les Clash ils étaient fondamentalement antifascistes et antinazis.

Quand tu écoutes du rockabilly, c’est une musique à 75% noire et 25% blanche. Donc si tu joues cette musique et que tu es raciste c’est que tu n’as rien compris, que tu ne comprends même pas l’essence de cette musique. Quand tu fais ce type de musique tu ne peux pas te permettre d’aller jouer pour le Front National, tu ne peux pas être apolitique. Tu es obligé d’avoir une opinion sur le monde qui t’entoure quand tu fais cette musique là, elle représente quelque chose. On doit le respect aux gens qui étaient là avant nous et qui ont inventé le rockabilly.

Vous n’hésitiez pas à mentionner « concert interdit à ceux qui portent des insignes néonazis » à l’entrée de vos concerts.

C’est même toujours aujourd’hui écrit sur nos contrats. On interdit l’entrée à toute personne s’affichant avec des signes néonazis ou fascistes. Si j’ai 50 mecs qui viennent avec des croix gammées, je ne joue pas, même un seul. Faut arrêter de tout mélanger. Tous les musulmans ne sont pas des terroristes. Il y a des cons partout et des gens qui n’ont rien compris aux religions comme au rock’n’roll.

Tu m’as déjà un peu parlé de Bondage qui a crée le rock alternatif. Tu peux me préciser ce que vous faisiez pour ça ? Des disques et des places moins chers ? Pas de Sacem ?

Bondage a effectivement été le premier label alternatif. On savait d’où on venait. Quand on était gamins, on n’avait pas de fric, on trouvait les disques chers, on ne pouvait pas aller aux concerts. Il n’y avait que les mecs qui avaient du fric qui pouvaient se le permettre. Quand on a monté le groupe, on s’est tout de suite dit qu’on n’allait pas reproduire tout ça. Avec Bondage, la règle était : « on ne va pas appliquer ce qu’on ne veut pas qu’on nous applique et qu’on subit ».

On a donc fait des places de concerts pas chères pour que les gens puissent venir nous voir et on a fait des disques moins chers pour que les gens puissent les acheter. C’était la base du rock alternatif.

On refusait d’être diffusés sur les radios commerciales. Quand on a fait notre premier Élysée Montmartre, toute la presse rock s’est réveillée d’un seul coup. Les mecs sont arrivés pour frapper à la porte de la loge, je leur ai expliqué que si on était là aujourd’hui ça n’était pas grâce à eux mais aux fanzines. Nous, on ne discutait qu’avec les mecs qui nous suivaient depuis 2 ans, pas avec eux. On estimait qu’on ne devait rien à personne et que ça n’était pas parce qu’on commençait à devenir connus qu’il fallait qu’on oublie d’où on venait. Il ne faut pas oublier tes racines. Après, je suis comme tout le monde, je préfère avec une grande maison avec une piscine que de vivre dans un taudis.

En fait, vous êtes politisés mais pas du tout au niveau des paroles.

Ca ne m’intéresse pas. Moi je considère que les gens qui aiment voir les Washington Dead Cats, ils viennent pour boire des coups, se marrer et oublier leurs problèmes. Je ne suis pas là pour leur rappeler leurs problèmes, pour leur dire qu’on est bien dans la merde.

Le rock’n’roll c’est fait pour danser, boire des coups et draguer les filles.

Je suis resté sur ce concept. Et puis, je n’ai pas une sensibilité pour écrire des paroles politiques, je pense que je ne le ferais pas bien. Il y a des gens qui le font très bien. Je pense que j’écrirais de mauvaises paroles politiques et je ne les assumerais pas. J’ai juste envie de chanter, de m’amuser !

Oui, d’ailleurs, vous jetiez des légumes sur votre public !

Oui, au début. On balançait des poireaux, des salades, de la farine. On salopait toute la salle et tout le public. C’était un truc très potache d’étudiants. On voulait juste foutre le bordel. Les gens se marraient, ils amenaient des kilos de légumes.

Quand on a joué aux Trans Musicales, on a été fouillés avant de monter sur scène pour être sûr qu’on venait sans farine et sans légume.

Par contre, ils n’avaient pas fouillé le public, ça a été une émeute. Il y avait de la farine partout ! On se prenait des œufs, des sardines. On a même été obligés d’arrêter de jouer ! Je me suis quand même fait péter une dent par une salade. Au moins, c’était différent artistiquement. Après on est passés aux feux d’artifices jusqu’à ce que ça me pète dans la main et que je finisse à l’hôpital…

Tu as été biberonné à quoi ?

Pour mes 13 ans mes parents m’ont offert un double album de Jerry Lee Lewis. J’ai enchaîné avec Chuck Berry, Hank Williams. Mes parents écoutaient pas mal de blues et de jazz, donc j’écoutais aussi Billie Holiday, Ella Fitzgerald. Au même âge, j’ai découvert les Clash, les Pistols. Comme le reste c’était plutôt la musique de mes parents, je me suis donc plus tourné vers le punk.

La signification de votre nom est toujours secrète ?

Toujours secrète, tu n’en sauras pas plus !

Quel album tu conseillerais aux gens qui veulent découvrir votre musique ?

C’est dur on en a fait beaucoup. Moi j’aime bien « Under the Creole Moon «, le dernier avant le live. J’aime bien l’ensemble de cet album, les morceaux, la pochette… Mais on en a tellement et ils sont tous différents donc c’est compliqué.

Qu’est ce que tu as contre les chats ? Tu dis qu’un bon chat est un chat mort !

Je déteste les chats, je préfère les chiens !

Ma dernière question. La chanson des Wampas « une bombe sur Washington » est vraiment dû à une altercation ? Mythe ou réalité ?

Je ne vois pas de quoi tu me parles, je ne connais pas les Wampas. Je n’écoute que du rock, pas de musique française ou de variétés donc je ne les connais pas. (rires)

Merci Mat

Propos recueillis par Cath
Crédit photo : Le Républicain Marmande et Langon

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