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Comptoir d’été #17 : le Panama

Pendant la trêve estivale, rennes musique vous propose de découvrir ces bistrots rennais où les amateurs de bonne musique aiment traîner leurs oreilles. Ces bistrots où l’on aime découvrir des artistes, ces bistrots où l’on aime se retrouver autour d’une passion commune, ces bistrots où l’on se sent chez soi…

Episode 17 : rencontre avec Christophe du Panama

Tu peux nous raconter l’histoire du Panama ? Depuis combien de temps on vient écouter de la musique chez toi ? Tu as voulu faire cela dès le début ?
D’après la mémoire du quartier, un voisin de 86 ans qui habite ici depuis 1932, il y a toujours eu un débit de boissons ici. Avant on y vendait du cidre avant que la bière n’arrive en Bretagne. Il y avait une pompe à cidre et les gens venaient ici remplir leurs bouteilles. Moi, j’ai repris il y a onze ans. Le jardin n’existait pas. Je l’ai vidé il y a une dizaine d’années et planté de la pelouse pour pouvoir l’ouvrir au public. Il y avait aussi le barbecue, je l’ai réaménagé, agrandi car je ne souhaitais pas faire à manger, c’est un vrai métier. Cela donnait donc l’occasion à mes clients de venir dîner quand il fait beau. Cela m’apporte du monde. Avant c’était vraiment le bistrot de quartier traditionnel, assez populaire. C’était le quartier des cheminots en plus, donc très populaire. Les gens avaient vraiment des horaires fixes et venaient tous les soirs au bistrot. Il y avait 4 lignes de types qui attendaient devant le comptoir tous les soirs pour boire un coup. C’était blindé tous les soirs ! La clientèle est différente aujourd’hui. Avec la gentrification, et puis aussi parce que j’ai voulu changer de clientèle. Il y avait des propos et des discours dont je n’étais pas très adepte, j’ai donc doucement essayé de changer la clientèle et j’y suis arrivé. J’ai toujours eu l’idée de faire des concerts ici.

Je viens de Paris, je suis venu ici pour vivre dans le quartier, pour habiter ici, c’est un projet de vie le Panama pas seulement un débit de boissons.

Je ne suis pas venu ici pour être un commerçant, je suis venu ici pour l’environnement. J’ai aimé l’endroit, en une demie heure tout était décidé pour moi ! Il fallait prendre le bar pour habiter au-dessus donc je me suis dit pourquoi pas !

Le bistrot d’avant s’appelait déjà le Panama ?
Oui. De toute façon, ça n’est pas une bonne politique de changer de nom quand on reprend un commerce avec une clientèle. Il faut faire la transition doucement. En plus, venant de Paname, le nom m’allait très bien. J’aimais bien le côté exotique du nom. Je l’aurais tout de même changé si j’avais repris un « bar des sports ». Le nom était connu dans le quartier pour les joueurs de fléchettes et de billard.

On écoute quoi chez toi ? Il y a un style de musique bien particulier ?
Du jazz, du rap, du funk, de la musique du monde. Quand il fait beau, on fait les concerts dehors mais il faut que cela soit de la musique consensuelle pour ne pas déranger les voisins. J’ai aussi du rock parfois pour rendre service à des personnes que je connais. Des groupes qui, 4 jours avant, cherchent un endroit. Beaucoup de choses sont un peu faites à l’arrache ici. On peut aussi assister à du théâtre d’impro une fois par mois avec la troupe La Tique de Chartres de Bretagne. Je reçois aussi régulièrement l’association Coexister, une asso «multi-cultuelle » qui organise tout au Panama. Je reçois tous les mouvements militants, contestataires, mais aussi les associations des parents d’élèves du coin. Ils organisent d’ailleurs des concerts ici pour récolter des fonds. Ca change des kermesses !

Je veux être un endroit où on vient et où on croise des gens qui n’ont pas forcément les mêmes façons de voir les choses, de vivre. Qu’ils viennent ici, se croisent et se sourient, c’est tout ce que je demande.

Je suis un endroit neutre en fait, un espace de liberté. C’est un bar militant, mais c’est aussi un bar familial, un bar associatif, un bar culturel.

Est-ce qu’il y a un concert qui t’a vraiment marqué ? Ton meilleur souvenir au Panama ?
On ne va pas parler du Bal Pirate qui était dimanche dernier, mais c’était un chouette moment. Il y avait plein de monde. J’avais posé de la moquette partout dehors pour que les gens puissent danser. C’était un moment très familial et bon enfant, le Panama était blindé ! Non, je dirais que c’est le jour où je me suis rendu compte que j’avais réussi à faire ce que je voulais faire. C’était un jour où il y avait un concert de jazz. Dans la salle, beaucoup de monde écoutait la musique, il y avait beaucoup de gens du quartier. Je me suis retrouvé tout seul dans mon coin, derrière mon comptoir. Devant moi, il n’y avait que des gamins de treize/quatorze ans. Tous les parents étaient dans la salle.

A ce moment-là, je me suis dit que mon bar était un endroit sain. J’avais réussi ce que je voulais : en faire un bar familial quand il faut avec de la musique, de la vie, un endroit agréable.

Je voulais sortir du cliché habituel du bistrot où à l’intérieure il n’y a que des pochetrons, des gens avinés, des fachos. Le cliché du lieu de débauche. J’aimais bien aussi la Balade de Sainte Thérèse où des artistes exposaient dans des maisons et les gens suivaient un circuit. J’en faisais partie, l’endroit servait à exposer. Le concept était super bien mais cela n’a pas duré, c’est bien dommage.

Qu’est-ce que ça t’apporte de tenir ce genre d’établissement ? Le/les plus par rapport à un bar classique, à un simple débit de boissons ?
Je ne voulais pas être un débit de boissons et juste faire du fric. Je fais tout cela pour mes enfants, pour mes voisins, pour les gens, pour faire vivre le quartier. C’est facile de servir des bières. Ma famille habite au-dessus avec mes enfants qui passent ici tous les jours. Je voulais donc ouvrir un lieu agréable, ouvert, épanouissant, un joli monde, un endroit où il y a de la discussion, un endroit humain.

On ne sait plus quand on est chez nous et quand on est au bar. Les deux mondes se confondent. Je fais tout cela pour mon équilibre familial.

J’aurais pu continuer avec l’ancienne clientèle et me faire plein d’argent mais ça n’est pas mon but dans la vie.

Est-ce que tu participes à des festivals rennais ?
Non aucun ! Je n’ai pas la culture du festival, je viens de la banlieue. Je suis impliqué dans la vie culturelle rennaise malgré moi, ce sont les gens qui viennent vers moi, vers le Panama. Je ne vais jamais dans les autres bars, dans les festivals. Je vis vraiment en autarcie ici. Je n’ai besoin de rien d’autres, je n’ai pas besoin d’être vu, on ne me connaît pas dans les autres bars en fait. Après, cela ne m’empêche pas de soutenir les festivals. On ne lâche rien sauf les chiens ou le BGP Festival sont déjà venus ici. C’était pour les soutenir financièrement suite à une galère en organisant ici un concert pour pouvoir récupérer des sous. Je les laisse faire ce qu’ils veulent ici, ils sont chez eux.

As-tu participé à l’essor de groupes rennais ? Des groupes qui auraient fait leur première scène chez toi ?
Oui, des groupes de blues, Alee, un mec très sympa, même s’il était déjà connu je pense. J’ai eu des gens d’un peu partout, des japonais, des québécois qui passaient par là entre deux dates. Certains viennent tester leurs textes de théâtre devant du monde ici. J’ai eu beaucoup de monde à venir, beaucoup de rennais qui viennent se tester, pas facile de retrouver tous les noms.

Je suis un lieu de test !

Rencontres-tu des difficultés ici par rapport au voisinage ? Des plaintes à cause du bruit ?
On est dans un quartier qui se gentrifie petit à petit. Certains supportent le Panama, d’autres non. Globalement on a de très bons rapports avec les voisins mais notre façon de vivre ne plaît pas forcément à tout le monde.

On va de plus en plus avoir une population qui se gare en double-file en 4×4 tout en reprochant à l’autre en Super 5 d’avoir chevauché la place d’à côté.

J’ai l’esprit Sud Caraïbes, c’est normal de faire la fête, de vivre. La population qui arrive ici, va vivre de plus en plus enfermée chez elle. Ils auront payé tellement cher leurs maisons qu’ils voudront du calme, aucune nuisance. Et pour certains, le bistrot a encore une image très négative.

Que penses-tu de la politique rennaise concernant les bars à concerts, les lieux culturels en général ?
Je ne suis au courant de rien, cela ne m’intéresse pas. J’ai bien trop conscience de ce qu’est l’activité politique et je sais que si je m’y intéresse je vais me mettre en colère. Quand on commence à mettre son nez dans la politique on ne peut être qu’en colère. Il y a tellement de mépris, de pseudo supériorité intellectuelle. Je ne m’en mêle pas sinon je me fâche.

Je m’intéresse à notre histoire populaire, pas à celle des noms des rues dont beaucoup devraient être débaptisées.

Voltaire, Montesquieu qui étaient des antisémites, ça n’est pas mon monde. Le jour où la politique m’intéressera, j’en ferai !

Comme tu le disais tout à l’heure, tu ne vas pas dans les autres bistrots rennais ?
Non mais je les envoie dans les autres bistrots du quartier. Je conseille à mes clients d’aller au Terminus, c’est un endroit sympa avec une patronne géniale.

Aurais-tu des conseils à donner pour ouvrir un bar comme le Panama ? Des conseils que tu aurais aimé qu’on te donne avant de te lancer ? Des choses à faire et à ne pas faire ?
Il ne faut jamais faire confiance à ses collègues, c’est la première chose que j’ai vécu en arrivant ici. Un autre conseil : quand tu reprends un établissement, ne jamais le transformer totalement et d’un seul coup, faire les changements petit à petit. En arrivant ici, j’ai juste donné un coup de peinture et enlevé les photos de Bruel et Mylène Farmer. J’ai quand même gardé celles de Brassens et Brel, ça me plaît toujours les anarchistes.

Il faut y aller doucement dans les bistrots de quartier. Il ne faut pas le transformer, il faut le faire évoluer.

C’est quoi le budget moyen pour venir passer une bonne soirée au Panama ? L’entrée et la bière de base sont à combien ?
Ma bière est à 2,50 comme partout. Pour les entrées, les associations font leurs caisses. C’est soit au chapeau, soit en entrée libre. Ce sont les associations qui occupent le lieu et elles font ce qu’elles veulent.

Budget moyen pour votre soirée au Panama :
Le soir où vous venez, la soirée est en entrée libre. Vous donnez 3 euros. Vous buvez encore et toujours 3 bières pendant votre soirée car vous êtes toujours aussi raisonnable.
Entrée 3 euros + 3×2,50 euros de bières = 10,50 euros pour une bonne soirée au Panama.
Il est donc possible de passer une très bonne soirée à Rennes pour pas cher.


On pourra venir écouter des concerts encore longtemps au Panama ? Tu as peut-être d’autres projets en tête ? Des envies d’ailleurs ?

Mon avenir, je le vois en 6 mois/6 mois. Ouvert 6 mois pendant la belle saison et le reste du temps très loin d’ici. J’attends encore un peu que mes enfants grandissent.

Merci Christophe.

Lire l’épisode précédent : l’épisode 16 avec Jean-Marie du Papier Timbré.
Lire tous nos comptoirs d’été (saison 1 et 2) : ils sont tous ici.

Propos recueillis par Cath
Crédit photo : Mozpic’s Mo

Le Panama : 28 Rue Bigot de Préameneu à Rennes
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Une réflexion sur “Comptoir d’été #17 : le Panama

  • L’un des derniers bons bars de Rennes.. A sauvegarder, longtemps…

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