Comptoir d’été #9 : le Bar’Hic
Pendant la trêve estivale, rennes musique vous propose de découvrir ces bistrots rennais où les amateurs de bonne musique aiment traîner leurs oreilles. Ces bistrots où l’on aime découvrir des artistes, ces bistrots où l’on aime se retrouver autour d’une passion commune, ces bistrots où l’on se sent chez soi…
Episode 9 : rencontre avec Zoubac du Bar’Hic
Tu peux nous raconter l’histoire du Bar’Hic ? Depuis combien de temps on vient écouter de la musique chez toi ?
On vient écouter de la musique au Bar’Hic depuis le début ! Ca va faire cinq ans. On a ouvert en novembre 2010 avec Gweno (du Ty Anna) avec la ferme idée de faire du concert et du bar de nuit. Avant c’était déjà des bars de nuit, ça s’appelait le Paparazzi, la Paillote, le Tomahawk. Il y a eu au moins trois générations de bars de nuit ici. Quand on est arrivés on a tout cassé, on a tout remis à neuf pour faire une structure dite « à concerts ». Le bar a été complètement isolé et adapté pour avoir une scène avec un long comptoir pour gagner de la place. On voulait combiner bar de nuit et bar à concerts car il n’y avait pas cette offre à Rennes, aucun bar de nuit ne proposait une programmation culturelle, hormis le Dejazey. On voulait aussi de l’éclectisme. C’était notre base il y a cinq ans.
On écoute quoi chez toi ? Il y a un style de musique bien particulier ?
On écoute de tout ici. Par contre, on n’est pas très fans de musiques traditionnelles et on écoute très peu de chanson française. On a des styles complètement variés d’un serveur à l’autre. Moi j’écoute beaucoup de soul, de funk, de rock, de noise, de shoegaze. J’ai aussi mon passé de reggae, hip-hop. Ma playlist ratisse donc très large. Ca m’arrive aussi de mettre de la musique bien jazzy, souvent à l’heure de l’apéro. On peut donc entendre de tout ici en ce qui concerne la musique d’ambiance.
Pour ce qui est du live, c’est essentiellement rock, parce qu’on bosse avec des assos qui sont très rock, très punk, très noise, très folk. La grosse tendance de nos live est donc rock avec tous ses dérivés !
Est-ce qu’il y a un concert qui t’a vraiment marqué ? Ton meilleur souvenir au Bar’Hic ?
Il y en a plusieurs. Celui que j’ai préféré en cinq ans, ça reste Total Victory que j’ai vu deux fois au Bar’Hic. C’est un groupe anglais de post-punk tout jeune, avec seulement deux albums (le troisième est en préparation). C’était une grosse claque, la salle était pleine et il y avait une énergie impressionnante sur scène. Cette énergie a d’ailleurs continué à s’amplifier sur les deux live en un an d’écart. Le chanteur a un charisme de fou, une espèce de grand bébé tout gentil, qui se démène en vraie rock star. C’est une musique forte, brute de décoffrage et en même temps super subtile, bien mélodique. Un concert super agréable à voir et à revoir ! C’est Kfuel qui nous a organisé tout ça. On a eu plein de grands moments au Bar’Hic comme les premiers « Les Rockeurs ont du cœur », un chouette moment pour faire jouer les Percubaba. Faire monter autant de monde sur scène, c’était très drôle. On a eu des moments pas mal aussi pendant les Bars en Trans. Vu qu’on bosse avec les assos, on va de surprise en surprise, c’est un avantage. On leur fait absolument confiance. On leur met la salle à dispo. On les connait de mieux en mieux donc ils connaissent nos goûts, nos limites. Il y a des styles de musique qu’on connait moins comme le métal mais on fait quand même des concerts parce qu’on sait que les assos qui nous proposent ces concerts savent ce qu’elles font et le font bien. Les assos rennaises sont investies, curieuses. On essaie de faire des groupes redondants, des groupes qui cherchent à tourner parce qu’on ne veut pas non plus faire la petite salle de répétition. On veut une prog’ qui tourne, des groupes extérieurs, des groupes locaux, des internationaux par le biais des assos. On veut surtout de la découverte.
Qu’est-ce que ça t’apporte de tenir ce genre d’établissement ? Le/les plus par rapport à un bar classique ?
Je peux voir des concerts ! Je suis très bon public, je fréquente pas mal les petites salles rennaises. L’ambiance est meilleure, les grandes salles c’est trop froid pour moi. Une salle de cent places comme au Bar’Hic c’est plus cosy, plus convivial. La dimension humaine est importante pour le groupe et pour le public. Ca me donne aussi le temps, ça n’est pas une immense organisation qui te rend anonyme, au contraire. La fréquence du travail qu’on fait avec les assos, avec les artistes fait qu’on peut les voir régulièrement. C’est bien agréable. Ca change par rapport à mes débuts où je bossais derrière un comptoir ordinaire. Il y avait un manque pour moi, je me sentais prisonnier de mes tireuses à bière. Quand tu vois le public qui se déplace, qui est curieux, c’est motivant ! J’aime toujours autant écouter de la musique en live ! C’est une super possibilité et une occasion rare finalement. La musique t’apporte des gens super intéressants à rencontrer. Par contre, le jeu des assos fait que ce sont elles qui drainent leur public. Je trouve qu’il y a quand même un manque de perméabilité entre les différentes assos à Rennes. Les réseaux sont très cloisonnés. Chaque asso a son public, son style de musique et elles ne se mélangent pas entre elles alors que cela serait possible et intéressant. On a souvent tendance à suivre deux ou trois assos, à leur faire confiance et à ne pas forcément aller voir ce que font les autres. Nous, au Bar’Hic, on travaille avec beaucoup d’assos et je trouve qu’il n’y a pas assez de gens à venir aux concerts les yeux fermés. Ils viennent parce qu’ils connaissent cette asso et pas une autre. C’est dommage. Il leur faut un leader de conscience. C’est pareil pour les magazines. Tu vas écouter les artistes dont parle le magazine que tu aimes lire parce que tu lui fais entièrement confiance. L’article te dit que ça c’est bien, donc tu vas l’écouter et suivre ce qu’ils te disent de faire finalement. C’est un petit point négatif, je trouve. Il faut être curieux !
Est-ce que tu participes à des festivals rennais ?
On fait les Bars en Trans, Bar-Bars, Kicé qu’à l’Chat, Yaouank de manière très ponctuelle, les Tongs et la Pluie de Banana Juice, le Petit Soufflet, Dance Ska La, etc. On bosse beaucoup avec Kfuel, Kerviniou Recordz, Banana Juice, Retard Records (leur premier festival a eu lieu fin août au Bar’Hic), Ideal Crash, une petite asso qui grimpe bien et qui fait du bon boulot, super investie. On travaille donc avec pas mal de monde sur Rennes.
As-tu participé à l’essor de groupes rennais ? Des groupes qui auraient fait leur première scène chez toi ?
On a eu des premières scènes ici. On a souvent bossé avec The Popopopops. Pan sont venus ici aussi au tout début. Dead est venu aussi car on se connait bien avec Berne. On a eu pas mal de groupes locaux ici, les assos suivent très bien cela et sont au fait de l’actu musicale rennaise. Elles nous permettent de faire jouer des groupes qui sont encore dans leur phase débutante. C’est le but aussi. Il faut des groupes en tournée, mais aussi des groupes émergents. C’est important de découvrir ce qui se fait dans l’actu, ce qui se fait dans l’instant.
Rencontres-tu des difficultés ici par rapport au voisinage ? Des plaintes à cause du bruit ?
On va dire que ça se passe bien puisqu’on arrive à faire des concerts. On nous met des bâtons dans les roues mais on y arrive quand même. On arrive en moyenne à faire trois ou quatre concerts par semaine (du mardi au samedi). Après tout cela dépend de la relation humaine avec ton entourage. Nous, on est sur une place qui ne nous permet plus de faire ce que l’on veut. C’est une place pas du tout à dimension humaine, c’est un problème qui fait qu’on a une intolérance au bruit du voisin en général. Ca se confirme partout et tout le temps, pas seulement pour les bars à concerts. On ne supporte pas la gêne occasionnée par l’autre. Dans un cadre bien défini, je trouve dommage que la priorité soit donnée à l’habitant et pas assez à ce vivier, à cet énergie culturelle qui, aux yeux des législateurs, ne passe que pour du simple commerce. Je trouve dommage que cela ne soit pas plus encouragé, qu’on ne temporise pas plus avec le voisinage. On est en conflit direct avec nos voisins. Nous, on est dans notre cadre, on répond à la charte qu’on nous a imposée, mais on gêne. On voit pourtant avec la fréquentation qu’il y a une réelle demande. C’est dommage de nier cette population sous prétexte de laisser dormir quelques personnes. On a tous le droit à cette tranquillité, je suis tout à fait d’accord. Il faudrait donc trouver un cadre pour être tous d’accord, et vivre tous ensemble intelligemment.
Humainement, pour une ville, taire les lieux de spectacles c’est une très mauvaise solution. Il faut des propositions culturelles dans une ville, sinon ta ville elle meurt !
A tous les âges tu veux écouter de la musique, découvrir des groupes. Il faut être curieux, critique, il faut faire vivre sa ville. Mais pour cela il faut que ta ville t’en donne les moyens.
Justement que penses-tu de la politique rennaise concernant les bars à concerts, les lieux culturels en général ?
Je trouve que la politique culturelle à Rennes est riche, il y a un panel de propositions assez important. Mais je la trouve quand même un peu élitiste. Il y a de très grosses structures qui sont encouragées et bien mises en avant. Il y a de belles têtes de gondoles culturelles, mais quand tu cherches dans les rayons, il n’y a plus grand-chose.
On met tout sur les gros événements et on ne laisse pas assez de place à l’initiative, aux petits lieux, à l’espace dans la rue parce que justement la rue doit être tranquille.
Il faut laisser à n’importe quel bistrot le loisir de mettre un petit groupe, à l’apéro pourquoi pas. Trouver un créneau pour que tout se passe bien et qu’on s’entende tous. Pour cela, le Terminus fait un boulot énorme ! C’est un petit bistrot de quartier avec des créneaux de concerts bien définis. Du coups tout se passe bien, ça se finit à 22h et l’asso Tendresse et Passion a une prog’ super riche. C’est énorme d’avoir cette opportunité. Je trouve cela dommage que ça ne soit pas plus répandu à Rennes puisque la preuve en est que ça peut très bien se passer. Donc, dommage de tout mettre sur la tête de gondole, de ne miser que sur les gros événements. Si tu ne peux pas rentrer sur ces très grosses programmations, tu n’existes pas. Ca manque d’échelons intermédiaires, de petits lieux, d’endroits indépendants, de squats où il y a un vrai vivier, une vraie demande. On doit rester à la marge et c’est bien dommage. Je ne demande pas de subventions mais juste de nous laisser la possibilité de le faire !
Quand tu as le temps, tu aimes aller écouter des concerts dans quel bar à Rennes ?
Je vais au Mondo Bizarro depuis longtemps. Je vais souvent au Chantier aussi. L’endroit que je préfère à Rennes, c’est le Bistrot de la Cité qui fait parfois des concerts. Je traîne pas mal au Terminus, quand ils programment les dimanches et les lundis, ça me permet d’y aller. Ca correspond à mes jours de congés, il n’est pas loin et à 22h c’est fini. Je n’attends qu’une seule chose c’est d’aller me faire un concert au Marquis de Sade ! Mon plus gros regret : que la Bascule n’ait pas tenue plus longtemps, c’était un endroit vraiment chouette. Il y a pas mal de choix à Rennes quand même, mais il en faudrait tellement plus ! Je reste souvent dans les bistrots du centre par manque de temps et parce que c’est dans le centre qu’il y a le plus de choix. Mais on peut vite tourner en rond aussi. Le 1675 faisait pas mal de concerts aussi. Aujourd’hui il n’y a plus rien dans ce quartier. Je tourne autour de la rue Saint-Michel, et le bas de la place des Lices. Il y a déjà du choix !
Aurais-tu des conseils à donner pour ouvrir un bar comme le Bar’Hic ? Des conseils que tu aurais aimé qu’on te donne avant de te lancer ? Des choses à faire et à ne pas faire ?
Il faut y aller ! Faut essayer ! Pour les conseils, je dirais qu’il faut bien rencontrer ses voisins avant pour voir si tu vas dans un mur ou pas. Faire des concerts c’est compliqué, ça demande de l’énergie, du temps. C’est une vraie part de boulot en plus du bistrot. Il y a du travail d’organisation, de programmation, même si on délègue pas mal aux assos finalement. Le bruit est un stress permanent pendant les soirées. Quand tu es dans le public tu ne te rends pas compte de tout ça, mais, moi, j’ai une dose de stress en plus pendant les soirées. Il faut être sûr d’avoir envie de le faire ! C’est un vrai défi ! Du coup, ça n’est pas toujours très viable. Il faut peut-être diversifier l’offre pour s’en sortir, comme ouvrir plus tôt le midi et proposer des plats par exemple. Ici on est en bar de nuit, donc on essaye déjà de faire ça bien pour être sûr de compenser le manque de la fermeture de la journée. On a cent places ici, on est parfois complet, parfois il y a juste une vingtaine de personnes. C’est un risque pour nous et pour les assos. Un bar-concert ne peut pas être un prétexte unique, je pense qu’il faut vraiment une offre en plus. Plus de flexibilité de la part des autorités, ça permettrait à certains gérants de bars à concerts d’en faire un peu plus et de pouvoir en vivre un peu mieux. Je ne connais pas un bar qui ne vit que sur les concerts, il y a forcément autre chose à côté.
C’est quoi le budget moyen pour venir passer une bonne soirée au Bar’Hic ? L’entrée et la bière de base sont à combien ?
Les entrées vont de 0 à 5 euros. On a rarement dépassé 5 euros. En moyenne dans l’année, on a des entrées à 3 euros. C’est un budget à ne pas dépasser dans un bar car ça doit rester accessible. Le Bar’Hic n’est pas une salle de concert, il ne faut pas tout mélanger. Un PAF ça veut tout dire : Participation Aux Frais. Ca doit aider à défrayer le groupe, la nourriture, l’accueil. On voit des gens arriver au Bar’Hic et faire marche arrière parce que le concert est payant ! C’est pathétique. Il faut arrêter la musique gratuite, c’est normal de payer les artistes, leur essence, leur matos… Je ne conçois pas la musique gratuite. C’est important de payer les live, d’acheter des disques. La bière de base est à 2.50 euros comme partout. On en a deux pour laisser le choix. Moins de 15 euros pour venir écouter de la musique, pour rencontrer des gens, dans un cadre humain, ça reste correct.
L’entrée en moyenne est à 3 euros. Vous buvez toujours 3 bières pendant votre soirée car vous êtes toujours aussi raisonnable. Vous prenez encore et toujours la bière la moins chère !
Entrée 3 euros + 3×2,50 euros de bières = 10,50 euros pour une bonne soirée au Bar’Hic.
Correct pour une bonne soirée !
En conclusion, passer une bonne soirée à Rennes avec un petit budget, c’est possible dans tous les bars à concerts de notre feuilleton estival !
On pourra venir écouter des concerts encore longtemps au Bar’Hic ? Tu as peut-être d’autres projets en tête ? Des envies d’ailleurs ?
A titre personnel, j’ai d’autres envies. Je reprendrais bien un bar à moi à Rennes. Rennes c’est ma ville de cœur depuis vingt ans. J’ai envie d’essayer des choses, joindre un peu plus de bouffe à la musique, d’apéros-bouffe-concerts dans l’esprit de certaines guinguettes. Une guinguette un peu rock !
Merci Zoubac.
C’était notre dernier épisode de l’été. Vous pouvez tous les relire ici.
Lire l’épisode 8 avec Brice du Chantier.
Propos recueillis par Lucie et Cath
Crédit photo : Lucie
Le Bar’Hic : place des Lices à Rennes
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