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La Terre Tremble !!! : « Au tout début on était un laboratoire, on aimait juste le fait d’enregistrer des choses. »

Leur nouvel album « Fauxbourdon » est sorti en mars dernier. Nous avons profité de leur concert à l’Antipode vendredi dernier pour rencontrer La Terre Tremble !!! et échanger avec eux !

Rencontre avec Julien, Paul et Benoît.

Vous avez fait une longue pause. Il y a eu le ciné concert « Sur des vieux cartoons » de Tom & Jerry qui vous a pris beaucoup de temps. Quand vous avez commencé à réfléchir à ce nouvel album, qu’est-ce que vous aviez envie de changer ? Est-ce que vous vous êtes dit « on part sur autre chose » directement ?
Julien : on avait envie de changer beaucoup de choses. On avait l’impression d’être arrivés à la fin d’une certaine formule avec l’album précédent et le ciné-concert nous a donné des nouvelles petites idées, des nouvelles façons de faire, des nouveaux sons qui nous plaisaient.

On avait un peu envie de calmer le rock et d’arriver vers des choses un peu plus bizarroïdes en terme de son tout en continuant à faire des chansons. Il y avait une réelle volonté d’arriver sur quelque chose d’un peu plus synthétique.

Vous avez peur de la redite en fait ? A chaque album vous cherchez quelque chose de nouveau.
Benoît : peut-être insconsciemment. Et puis, sur 3 ans, on écoute d’autres choses, d’autres musiques. En 3 ans, il y a plein de choses qui ont évoluées. Mais c’est clair qu’à la fin de la tournée de « Salvage Blues », on était arrivés à la fin de quelque chose pour nous. A la fin d’une formule qui était clairement offensive, peut-être destructrice. On se retrouvait avec des chansons qui commençaient à ne plus très bien supporter le côté trop rock. On avait envie d’enlever cette couche. Le virage a été opéré avec les instruments qu’on utilisait en plus sur le ciné concert. Ca nous a aidé à calmer le jeu et à trouver de nouvelles textures. On avait déjà bien creusé la formule double-guitares. Tout est monté petit à petit !

Vous êtes moins sur les riffs, vous avez ajouté du synthé.
Paul : c’était notre premier constat qui était clairement de changer de texture. On se posait un moment la question de faire des musiques un peu plus immersives avec des longs morceaux de 10 minutes. Et puis, au fur et à mesure on s’est dit que ce qu’on aimait c’était composer des chansons.
Benoît : il y a eu moins de composition live à 3 pour cet album.

On avait l’habitude de bâtir des riffs, des leitmotivs rythmiques, des mélodies très courtes. Pour cet album, tout a été fait de manière différente.

Il y a plus une part de Paul dans le début du processus pour amener des chansons. Toutes les étapes ont été perturbées, jusqu’au mixage.

Dis comme ça, on a l’impression que vous avez passé beaucoup plus de temps sur cet album. Ca peut vous prendre combien de temps un morceau ?
Paul : il y a certains morceaux qui commencent à prendre vie uniquement au mixage. On balance des pistes, des couleurs, des textures, on ne sait pas toujours ce que ça va donner. On met en place quelque chose pour qu’à la fin ça nous saute à la gueule. On se surprend sur certains morceaux, où on ne pensait pas que ça irait jusque là.

Il y a des morceaux qu’on a commencé d’une certaine manière et qu’on a fini d’une autre manière 1 an après. Mais on peut aussi composer des morceaux en une nuit.

Benoît : on laisse des morceaux qu’on peut reprendre bien plus tard.

En fait vous êtes des bricoleurs du son. Vous prenez la musique comme un terrain de jeux et d’expérimentation ?
Benoît : on vient de là ! Quand on s’y est mis on ne voulait pas faire de live.

Au tout début on était un laboratoire, on aimait juste le fait d’enregistrer des choses. On ne pensait pas du tout à la scène, ça n’était pas le but.

On jouait avec ça. On peut tout faire avec les enregistrements aujourd’hui. On peut faire semblant d’être plusieurs, on peut rajouter des textures improbables…
Julien : on a commencé à faire ça quand on est arrivés à Rennes (La Terre Tremble sont de Clermont-Ferrand). On a intégré un réseau de musiques improvisées expérimentales. On était pas mal en lien avec Philippe de l’émission L’Azile le + sûr sur CanalB. On a commencé à enregistrer un album, à le distribuer autour de nous. Certains musiciens rennais ont été receptifs à notre musique, nos relations se sont créées comme cela finalement. C’était totalement différent de ce qu’on fait aujourd’hui.

Quand votre album est sorti en mars dernier, votre teaser disait : « la vue n’est pas aux normes, rien ne sonne juste. ». C’est comme ça que vous vous voyez, que vous vous définissez ?
Benoît : ça s’appelle une mauvaise punchline.
Paul : c’était tout un jargon assez obscur autour de Fauxbourdon. Qu’est-ce qui sonne juste ? C’est un peu la question que je me posais à ce moment-là. Est-ce que un son faux peut être musical ?

On a commencé à faire de la musique en faisant du bruit, en tapant sur des casseroles. A partir de quand est-ce que tout cela devient musical ?

Benoît : au tout début les seuls éléments mélodiques qu’on gardait c’était les guitares acoustiques. Dès que c’était des guitares électriques, on cassait ça systématiquement, comme une interdiction de faire des riffs. Il n’y avait que sur les guitares acoustiques qu’on trouvait un sens mélodique. Et petit à petit, on est parti complètement à l’inverse jusqu’à ne plus en pouvoir ! On a fait une boucle. Il m’a semblé entendre des choses plus acoustiques sur Fauxbourdon.

D’ailleurs, par rapport au titre de votre album Fauxbourdon, c’était pour faire un clin d’oeil au bruit de fond de votre musique malgré son côté plus acoustique ?
Paul : pas forcément un clin d’oeil à notre musique mais en général, aux bruits de fonds générés partout et par tout, cette espèce de résonance inaudible.

Vous faites une musique particulière, difficile à cerner et à caser, et c’est tant mieux. Comment on pourrait vous définir ? Vous êtes un groupe progressif ? Un groupe expérimental ?
Paul : même nous, on ne sait pas se définir, c’est difficile. Que quelqu’un nous définisse comme un groupe progressif ou expérimental, ça ne nous pose aucun problème.
Benoît : je suis assez allergique au mot « progressif » mais je comprends. On vient d’une région où le prog est très respecté en plus.

Dans notre définition, je dirais plutôt qu’il y a quelque chose dans l’accompagnement, le désir de ne pas perdre celui qui nous écoute par nos mélodies.

Paul: ce qui nous plait dans la mélodie, c’est LA note qui va à un moment te titiller, te perturber. On est très attachés à cette note dans la mélodie qui vient rompre quelque chose.
Benoît : mais il ne faut pas que cette mélodie soit trop joyeuse ou édulcorée sinon on n’aimera pas !

Je trouve qu’il y a un côté hypnotique dans votre musique. Vous avez une fascination pour ça ? Cette expérience avec votre public jusqu’à une certaine libération ?
Julien : c’est moins évident sur le dernier album, on en avait moins l’intention. Il y a toujours des moments immersifs mais plus courts qu’avant. On était beaucoup dans la musique en continu, répétitive.
Benoît : ça n’a jamais été fait franchement dans notre musique ce qui donnait un truc un peu bâtard. On emmenait les gens et à un moment on cassait le truc. C’est pas quelque chose d’hypnotique, c’est plus qu’on est attachés à une dynamique, il faut que ça soit vivant rythmiquement. Aujourd’hui, on pourrait même dire qu’il y a un côté plus apaisé dans l’architecture de nos chansons.

A propos de vos chansons, c’est toi Paul qui écrit les paroles. Elles ont été difficiles à écrire ? Elles ont été enregistrées longtemps après la musique donc je me pose la question.
Paul : non elles n’ont pas été dures à écrire, c’est la manière dont on l’a fait qui a impliqué ce timing étrange. On a vraiment d’abord bossé sur la musique, on a tout enregistré. Je ne sais pas si c’était une bonne idée mais je me suis gardé l’étape des compos à la fin. C’est étrange ce moment où tu as plein de chansons et tu dois les habiter, trouver ta place là-dedans. Je m’étais fait une idée un peu vague des mélodies que je voulais chanter. C’était dur surtout par le fait de faire ça tout seul, j’avais l’impression d’être en dehors du groupe.

Il y a peut-être un côté un peu plus mélancolique, un peu plus nocturne. On ne serait peut-être pas arrivé à ce genre de climat si j’avais tout écrit en même temps que la musique.

Et sur scène vous vous permettez de l’impro ou pas ? Votre musique est tellement complexe et rigoureuse.
Julien : sur le dernier album c’est beaucoup moins facile de faire de l’impro, voir même impossible. Il y a une écriture assez stricte. On va plus s’amuser à aller chercher des textures, pour le reste on essaie de rester fidèles à ce qui a été écrit. Nos chansons sont assez poussées, on ne peut pas en faire ce qu’on veut en live.
Paul : la dynamique peut changer d’un soir à l’autre !

Vous êtes chez Murailles Music, comme Electric Electric. Comment s’est faite la rencontre ?
Benoît : c’est Papier Tigre qui nous ont épaulés. On les a rencontrés lors de notre première tournée il y a longtemps maintenant. Eric, le chanteur de Papier Tigre, voyait très bien qui on était car on avait envoyé notre album à Murailles Music qui s’appelait à l’époque Collectif Effervescence. Ils avaient trouvé ça bien mais ils voulaient nous voir en live. Comme à l’époque on était pas du tout dans l’optique de faire du live, on ne leur avait pas répondu. Eric nous connaissait donc comme le groupe qui ne répond pas aux mails. On a gardé contact et refait des concerts avec eux. Eric a fait en sorte qu’on intègre le label. Julien, du label, était venu nous voir quand on a joué aux Trans et ça lui a plu.

Ma dernière question concerne Rennes ! Pouvez-vous me parler d’artistes rennais que vous aimez, que vous suivez ? Votre dernier coup de cœur rennais ?
Paul : 178° c’est plus qu’un coup de cœur. C’est dommage ils ne jouent pas beaucoup. Le dernier album de Rouge Gorge est superbe !
Benoît : Grégaldur qui a fait une comédie musicale !

Merci à vous !

Propos recueillis par Cath
Crédit photo : Samplerman et Catherine Duverger

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