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Oxmo Puccino, icône de la scène rap française.

“La Voix Lactée”, le 8ème album d’Oxmo Puccino est sorti le 13 novembre dernier. Parce qu’un album prend toute son importance en tournée, Oxmo est parti sur les routes de France. Artiste majeur de la scène rap française avec 20 ans de carrière, Oxmo Puccino nous a fait le plaisir de répondre à nos questions.


Rencontre dans le cadre du festival Mythos.


Parlons des origines de ta carrière. A quel âge as-tu commencé à rapper ?

J’ai commencé à rapper activement à l’âge de 20 ans. L’important c’est l’âge auquel j’ai commencé à conceptualiser mes idées. J’ai commencé à dégager le fruit de mes observations à l’âge de 20 ans, c’est plus comme cela que je le vois, plus que comme mon début de « rappeur ».

Tu as grandi dans le XIXème où il y avait une ambiance particulière, une vraie émulation. C’est ce qui t’as donné envie de rapper, d’écrire ?

Non je ne pense pas que cela soit dû au XIXème, sinon il n’en serait sorti que des écrivains et des artistes incroyables (rires). Devenir un artiste demande de suivre un parcours assez incertain dans lequel s’engager demande des sacrifices. Cela n’est pas évident pour tout le monde. Rien n’est garanti. Je dirais que c’est surtout le point d’observation à travers lequel j’ai étudié la vie qui passait devant mes yeux qui m’a donné envie de construire tout cela. Le contexte joue une grande partie de ce que je vais raconter. C’est avant tout ma manière de voir qui définit tout. Cela aurait pu donc être n’importe où, cela aurait donné quelque chose qui me soit propre.

Tu as fait de nombreuses collaborations avec des artistes très éclectiques, aux sonorités souvent différentes. D’où vient cette envie de faire ces collaborations et comment cela se passe ?
C’est ce que je dis souvent, je ne suis guidé par rien d’autre que le fait de ne pas me poser de questions tant que je prends du plaisir à faire toutes ces choses. Je rencontre quiconque, si cela se passe bien et que c’est un artiste, quoique nous fassions cela va donner quelque chose de différent et, au final, avec l’accumulation des projets, on va arriver à quelque chose de toutes les couleurs. C’est plus un résultat qu’un calcul. C’est dû au fait que je ne me pose pas de questions.

Je ne m’enserre pas dans un étau culturel et artistique qui fait que je ferme mes portes aux autres. Je collabore d’abord avec des humains.

Chaque humain est particulier et unique, selon la manière dont il est arrivé à s’épanouir, mais le résultat sera le même.

Est-ce que tous ces choses que tu entreprends nourrissent tes projets personnels ?
Tout nourrit mes projets personnels. Parce que j’ai un point d’observation, j’ai une démarche artistique, une quête que je poursuis depuis quelques décennies qui fait que… La vie nourrie, c’est la manière dont on se met à table qui change les choses. La vie est tellement riche, les gens sont tellement fascinants tous à leur échelle. S’il ne se passe rien c’est de son propre fait. Moi je trouve cela naturel de parler, d’échanger, de collaborer, de se nourrir, de donner. C’est plutôt dans le cas contraire qu’il faut se poser des questions. Pourquoi je fais toujours la même chose ? Pourquoi on ne m’aime pas ? Pourquoi je n’éprouve pas assez d’amour ? Pourquoi je me pose des questions quand je rencontre les bonnes personnes ? C’est là qu’il faut se poser des questions. C’est pas quand tout va bien et qu’on est en harmonie avec ses idées.

Ce travail te permet de te nourrir.

Pour moi le mot travail s’applique en premier sur celui qu’on fait sur soi pour parcourir sa vie avec moins de complication, pour être serein. Le travail peut être scolaire, professionnel, psychologique mais c’est le même travail. C’est la même personne qui est aux manettes. C’est un travail sur moi avec les autres.

Parlons maintenant de ce 8ème album. Tu as mis combien de temps pour écrire cet album ? Tu écris toujours dans ta tête d’abord ?
J’écris constamment. Je continue d’écrire dans ma tête. Je prends toujours des notes sur des idées. Si j’ai rien sous la main, je retiens l’idée. Ecrire un album ne prend pas tellement de temps. A côté de tout cela, je travaille sur des nouvelles, je pense roman, je suis sur un scénario depuis déjà un certain moment. J’écris dans la globalité et une petite partie me sert à écrire des chansons.

Tu es en train de nous dire que le 9ème album est déjà prêt ?

Oui il est déjà fini dans l’idée. J’ai quelques morceaux, des musiques, des idées précises. Si je dois rentrer en studio demain, je peux.

Comment s’est fait la collaboration avec Renaud Letang ?

C’est le fruit de quelques années de discussion, de travail. C’est le troisième album sur lequel il travaille. C’est un honneur pour moi. Cela n’est pas évident car c’est quelqu’un de très sollicité. Entre les deux albums, j’ai continué à aller prendre le café au studio. On avait des discussions sur l’histoire, la géographie, la religion, la musique. Et puis à force de discuter, de lui faire écouter mes maquettes, d’écouter de la musique ensemble, on s’est rendu compte qu’on commençait déjà à travailler sur un nouvel album. Cela s’est donc fait de manière naturelle et intense. On avait très peu de temps pour tout faire. Elle est là la prouesse, pas ce qu’on peut faire mais la manière dont on l’a fait. On a pu faire un saut périlleux au moment où on nous l’a demandé.

Ta façon d’écrire change à chaque album, les sonorités aussi. C’est un risque que tu aimes prendre ?

Si on parle de popularité, de ventes de disques, on peut assimiler cela à un risque mais, avec le temps, on se rend compte que c’est le parcours artistique de quelqu’un qui ne se prend pas trop la tête, qui ne tient pas trop compte des tendances, des artistes qui tournent. Je fais mon truc. Moi, je considère qu’à chaque album je repars à zéro et que, où que j’aille, je dois rester moi-même. Il y aura quand même toujours ce fil conducteur qui fait que tout tient sur la même lignée quelque soit les directions que je prends en apparence.

Sur cet album, la musique est plus électronique, plus minimaliste. C’est pour laisser encore plus de place au texte ?

Non c’est juste le goût du moment, c’est ce qu’on voulait faire sur le moment sans tenir compte de quoi que ce soit. On était en studio, on a commencé les morceaux de cette manière alors que les maquettes étaient toutes acoustiques. En studio, on a misé sur l’électronique dans le but d’appeler les musiciens au moment voulu. Et à la fin de l’album on s’est rendu compte que c’était bien comme cela. On en est donc restés là parce qu’on était satisfait. Il y a le manque de temps aussi. Quand on a le temps et les moyens, on a le luxe de pouvoir revenir sur un travail. Quand on a aucun des deux on est obligés de faire cela tout de suite sans revenir dessus.

Sur « Slow Life », tu fais l’éloge de la lenteur, du temps. Tu parles de la recherche du temps perdu, de la notion du temps qui rétrécit. C’est ton point de vue sur la société actuelle qui va trop vite ?

C’est un message que j’essaie de faire passer mais c’est évident, c’est criant de vérité ! Tout le monde en souffre. C’est bien plus grave que ce que l’on pense. Moi tout ce que je veux faire c’est attirer la lumière sur une idée. Si cela met des choses en évidence qu’on avait pas remarquées avec la manière dont cela nous dépasse c’est vraiment qu’il est plus qu’urgent d’agir ! On arrive à une époque où les enfants ne sauront pas ce qu’est la lenteur, c’est très grave. Il y a des choses qui doivent prendre leur temps quoi qu’il en soit. La patience, la valeur qu’on donne au moment présent, ce sont des choses qui déterminent la façon de voir sa vie.

Si on ne sait pas prendre son temps et qu’on ne se rend pas compte qu’il passe très vite et qu’on le gaspille, c’est un grand malheur pour l’humanité !


Dans « Une chance », tu parles des occasions manquées et aux prochaines qu’il ne faut pas louper. Tu parles beaucoup aux jeunes sur cet album.Tu veux leur dire quoi ?

J’essaie de parler à la jeunesse comme je peux. Je ne parle que à ceux qui veulent, je ne parle pas aux murs, j’essaie d’échanger. Il faut que cela aille dans les deux sens. Il y a un discours qui part mais il y a aussi quelqu’un qui doit le réceptionner. C’est la base de tout l’échange, c’est ce qui nous différencie des animaux.

Cet album est plus rythmé, plus joyeux. On peut s’attendre à quoi ce soir sur la scène de Mythos ?
La même chose en mieux !

Comment tu peux faire mieux ?
(Rires) Mais parce que je danse, je chante, je suis là ! Rien ne vaut de le vivre. Il y a beaucoup plus d’instruments, d’arrangements, plus d’interactions. Je chante avec le public et pour le public. La scène est la seule raison d’exister pour ce disque aujourd’hui. On ne vend plus de disques, la scène est donc la seule raison de faire un disque et de garantir ce qu’ils vont vivre. Je fais pas tout cela pour avoir des likes, je fais un disque pour donner de l’émotion, changer les émotions et partager des moments de vie. Petit à petit, à chaque concert, j’amasse des souvenirs imprimés, des souvenirs de vie.
Oxmo finit en imitant les personnes devant leur ordinateur. « oh tu as vu le truc de fou ! Ouah je like ! C’est comme cela que les personnes se parlent aujourd’hui…»

Merci Oxmo.

Propos recueillis par Cath
Crédit photo : Mozpic’s

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