Rennes Musique

Toute la musique à Rennes

ActusPortraits

The Limiñanas : « A Rennes, il y avait les Tontons Flingueurs, où on venait jouer régulièrement… »

Ils étaient sur la scène du Magic Mirror samedi dernier. Quelques heures avant leur live, nous avons pu discuter avec Lionel des Limiñanas. Ses influences, sa façon d’écrire, le son de leur musique et un nouvel album à venir très prochainement.

Rencontre avec Lionel

Comment est né The Limiñanas ? C’est Trouble In Mind Records et Hozac Records, deux labels US, qui vous ont boosté en repérant des titres sur myspace ? Vous avez construit le groupe pour répondre à leur demande qui était de venir vous faire jouer aux Etats-Unis c’est ça ?
En fait, Marie, qui joue de la batterie, est ma femme. Tous les deux, depuis qu’on a 15/16 ans, on fait partie de la scène rock garage punk. On a toujours joué et monté des groupes de garage, ensemble ou pas. Dans les années 90, ce style de musique n’intéressait qu’une niche, qu’un réseau très particulier. Cela se passait d’ailleurs beaucoup entre Rennes et Toulouse.

A Rennes, il y avait les Tontons Flingueurs, où on venait jouer régulièrement. Il y avait aussi le label rennais Dig! Records avec lequel on avait fait un premier disque quand je jouais dans les Beach Bitches. On avait une belle affinité avec Rennes !

On a donc toujours évolué dans ce milieu. A un moment donné, on s’est retrouvés sans groupe, on a donc bricolé deux titres et on les a mis sur myspace pour les faire écouter à mon frère à Paris. On s’est appelés The Limiñanas parce qu’il fallait bien un nom pour créer cet espace, c’était aussi une blague par rapport aux frères Ramones. Bref, dès le lendemain on a eu un message de Hozac Records qui est un label de Chicago, un super label qui fait un peu de garage et beaucoup de punk. Il nous a proposé de faire un premier 45 tours, on lui a donc donné les deux titres qu’on avait enregistrés. Deux jours après, Trouble In Mind Records, un autre label de Chicago, nous a contacté pour la même chose. C’est un label qu’on aimait beaucoup ! On leur a donc menti en disant qu’on avait plein de titres, c’était impensable pour nous de leur dire non. On a donc bricolé un tout petit studio dans notre salon. On a enregistré « Je ne suis pas très drogue » et « Berçeuse pour Clive ». C’est devenu notre second 45 tours. Trouble In Mind nous a ensuite commandé un album, ça commençait à devenir sérieux. On a continué d’apprendre à se servir du matériel qu’on avait, on s’en est fait prêté et petit à petit on s’est équipés. On a réussi à enregistrer de quoi faire un album sur Trouble In Mind qui nous a évidemment demandé de venir jouer aux Etats-Unis. On n’avait pas de groupe ! La moitié des titres, on les chantait Marie et moi, pour d’autres titres on avait invité une amie qui s’appelle Murielle. On a donc dû monter un groupe assez rapidement pour pouvoir partir jouer aux USA. On était sept et on est partis faire une tournée de quinze jours. C’était une tournée vraiment démente ! On a joué à New-York, à Chicago, à Memphis, à Nashville. On a fait un espèce de rêve de môme ! Et depuis, on ne s’est jamais vraiment arrêtés.

The Limiñanas en une phrase, c’est quoi ?
C’est de la musique fabriquée de façon artisanale, dans le sens où elle est bricolée à la maison. Au niveau des influences, on peut parler des accidents qu’il y a eu dans les années 60 en France. Même si on aime à la base Jacques Dutronc ou Serge Gainsbourg, on aime tout autant les musiciens français bien tordus qu’on peut trouver sur les compilations Wizz. On est influencés par le punk américain des années 60, la musique française un peu tordue et tout le cinéma qui va avec, le cinéma français de ces mêmes années, la comédie italienne. Ce sont des choses qui nous ont toujours nourris.

Limiñanas c’est donc un mélange des bandes originales des films des années 60, du punk américain et de la musique française un peu tordue.


Tu es tombé dans le rock comment ? J’ai entendu dire que ton grand-frère te réveillait avec les Cramps.

Oui c’est tout à fait vrai ! J’ai eu de la chance chez moi d’avoir plein de possibilités d’écoutes ! Ma sœur, au fond du couloir de notre maison écoutait de la pop des années 80, en gros ce que tu retrouvais dans le NME et dans l’émission des Enfants du Rock de l’époque. Mon autre frère Laurent était mods. Lui il écoutait le revival mods des années 80, les Small Faces, tous les groupes des années 60 aussi. Avec lui, j’écoutais les Smiths et toute la pop de cette époque. Mon autre frère Serge, mon grand-frère, avait une collection de disques assez solide. Tu pouvais y trouver la soul américaine classique comme Otis Redding, jusqu’à Joy Division et au milieu t’avais les Cramps. Il écoutait des tas de trucs et moi je piochais ou il me faisait écouter. Ils étaient tous aussi assez cinéphiles, ils laissaient souvent traîner les films qu’ils avaient loués la veille. Ils m’ont fait voir des tonnes de trucs dès gamin ! Parallèlement à tout ça, on a toujours eu la chance d’avoir de bons disquaires et de bons libraires à Perpignan.

Perpignan est une ville sinistrée où la musique est une priorité pour tous les mecs de mon âge, comme dans toutes les villes de ce type en général.

Vous travaillez comment et composez comment ? Vous commencez par le riff, par les paroles ? Vous avez un studio chez vous, vous devez enregistrer tout le temps non ?
On a une maison avec un studio au rez-de-chaussée, dans notre garage. Moi j’y vais tout le temps, j’y suis tous les jours. Je peux trouver un riff de guitare devant ma télé que j’enregistre sur mon téléphone, je peux chanter un truc à un autre endroit, un autre moment. On trouve des trucs n’importe quand et n’importe comment. A partir de nos petites trouvailles, on commence à bosser sur des démos en studio, on a la chance de pouvoir y aller quand on veut. Ca tourne tout le temps. On peut partir d’un texte, d’un riff de basse ou de guitare, d’un rythme et on travaille ensuite sur la répétition. C’est toujours des riffs répétitifs, un peu comme dans la musique électronique, sauf que tout est joué.

Tu remarqueras qu’il n’y a jamais de couplet et de refrain dans nos chansons, tout est basé sur les répétitions et une tentative de rendre le truc hypnotique, un peu comme dans Suicide.

On construit nos albums comme cela, en général, on enregistre deux fois plus de morceaux qu’il nous faut. Une fois qu’on a isolé les titres qui nous plaisent le plus, on va au bout de la démarche, on les arrange, on les enregistre, on écrit les textes, etc…

Vous êtes du genre rapide en tout cas. La fille de la ligne 15 par exemple a été enregistrée en deux heures et mixée en trois.
Pas tout le temps. Il y a des fois des titres qui nous prennent énormément de temps parce qu’on trouve pas le truc. « La fille de la ligne 15 », on l’a effectivement fait en deux heures, c’est un titre que Trouble In Mind nous avait commandé. Ce qui est souvent le plus compliqué c’est le texte et pour cette chanson il est venu tout seul !

Vous travaillez avec quel genre de matériel pour obtenir cette touche, ce son Limiñanas ?

On n’a rien de particulièrement difficile à trouver. On bosse avec des amplis Fender à lampes que tu trouves facilement dans le commerce. Notre home studio est rempli de tout ce qu’on a trouvé pendant ces années. On utilise des trucs classiques comme les guitares électriques et les pédales fuzz et on double tout cela avec des instruments traditionnels du Maroc, de Grèce. On joue pas mal avec cette idée de mélanger des tessitures qui normalement n’ont rien à faire ensemble. Mais on n’a rien inventé, plein de gens font ça.

Au casque, le mélange d’une guitare, d’un bouzouki et d’un fuzz, ça donne quelque chose d’intéressant.

On adorerait avoir plein de matos vintage mais on n’a pas les moyens et puis on sait jouer comme cela. On exploite ce qu’on sait faire au maximum comme dans le punk américain.

Vous avez des textes en français et en anglais. Tu m’en as déjà un peu parlé mais quelles sont vos références pour ces deux langues ? J’imagine qu’il y a beaucoup de Gainsbourg là-dedans.
Gainsbourg au niveau des textes c’est mortel. On aime bien aussi certains textes français un peu légers et innocents que tu retrouves dans la pop des années 60, c’est limite crétin des fois mais j’aime bien.

Pour moi, le texte le mieux réussi est un texte de Gainsbourg : « Melody Nelson ». Tu peux fermer les yeux et rentrer dans l’histoire.

En anglais, j’aime les textes d’Iggy Pop dans les Stooges qui sont ultra simples mais déments. Les textes de Lou Reed, Bowie… On écrit beaucoup de textes mais il y a aussi mon grand-frère Serge qui nous en envoie.

Pourquoi des fois en anglais et des fois en français ? Comment vous choisissez ?
Le choix de la langue se fait au feeling par rapport au riff et à la musique. Des fois, c’est évident que ça colle mieux en anglais et très sincèrement c’est plus facile d’écrire et de faire sonner en anglais.

Le français, c’est plus délicat, tu peux vite tomber sur quelque chose d’un peu niais.

C’est ce qui nous prend le plus de temps d’écrire en français, même sur quelque chose de simple. Des fois, pour 8 lignes, je vais passer plus de temps que pour enregistrer 2 titres. Le choix c’est vraiment une histoire de musicalité, de son.

En parlant de textes, vous parlez de quoi dans vos chansons ? De tout ce qui vous arrive au quotidien ? Si on reprend encore l’exemple de « Le fille de la ligne 15 », c’est l’histoire d’une nana qui s’est assise en face de toi dans le bus et qui t’a fait flipper, tu as pris des notes direct.
Pour les paroles de « La fille de la ligne 15 », je tiens à préciser que tout est faux sur la fin. Pour les textes, je ne prends pas des notes tout le temps, j’ai quand même toujours un carnet dans mon sac pour ne pas oublier des choses qui me sont arrivées ou autre. C’est plus facile d’écrire sur des choses qui t’ont touchées par le passé ou qui sont en train de t’arriver. Cela te donne un sujet de départ. Nos sujets sont toujours réels, la base nous est arrivée dans l’année ou avant. Pour notre album « Costa Blanca », on parle de nos familles dans les années 70, de nos découvertes de l’Espagne des 70’s, ce qu’on ressentait, la peine qu’on eu mes parents en quittant l’Algérie en 62. Crystal Anis, c’était une période plus sombre où on a eu des tas de galères, ça ne s’entend pas forcément mais cela a été un moteur pour faire cet album. Pour « Malamore » on était à fond dans les films italiens, on a monté le disque autour des histoires d’amour contrariées de ces films mais aussi des histoires qui arrivaient à nos potes à l’époque.

J’aurais du mal à me lancer dans l’écriture d’un album sans ligne conductrice. On aime bien l’idée de raconter une histoire, on le fait de plus en plus.

On essaie de raconter une histoire dans la chanson et de regrouper ces histoires dans un album pour en faire un tout. C’est pas forcément évident à l’écoute mais nous, ça nous permet de structurer et de construire notre travail.

Pour votre dernier album Malamore, vous avez signé chez Because ? Pourquoi jamais le même label ? Ce dernier, c’est pour toucher un peu plus le public français ?
Chaque année, nos deux labels américains nous demandaient alternativement de faire un nouvel LP. On a donc fait 3 albums américains. Parallèlement à tout cela on a toujours été très amis avec un musicien qui s’appelle Pascal Comelade, on collaborait beaucoup ensemble. Pascal est chez Because à Paris. Notre dernier album on l’a fait avec lui, il nous a donc proposé de le sortir chez Because. On avait toujours en tête d’avoir une distribution en France, pour nous c’était très compliqué de trouver des concerts dans notre pays parce que les disques n’étaient pas dans les bacs. En plus, quand nos amis ou autres voulaient acheter nos disques, ils étaient obligés de les acheter en import US. C’était pas donné et difficile à trouver. Jusque là, tous les labels qu’on avait rencontrés ne nous plaisaient pas. Avec Because, le courant est tout de suite passé. Quand on les a rencontrés ils nous ont proposé de rééditer tout notre catalogue et de signer pour le prochain. Cela nous permet en plus de continuer à travailler avec nos labels américains. On ne voulait pas les planter, ils étaient quand même là depuis le début. Cela nous a effectivement permis de toucher un public plus large. En plus, c’est une vraie maison de disques, il s’occupe vraiment de leurs artistes, ils font tout pour que la musique soit le plus écoutée possible.

C’est pas compliqué tous ces labels ?

Non ! Because s’occupe de tout ce qu’on sort pour l’Europe et de l’édition de notre musique. Et ensuite, alternativement, on sort un disque chez Trouble In Mind et le suivant chez Hozac Records. On n’a pas de contrat avec eux, on s’est toujours entendus de façon amicale. Ils savent que c’est chacun leur tour. Notre dernier album « Malamore » est sorti chez Hozac, le prochain sera chez Trouble. On fait comme ça à chaque fois depuis 2009 et ça fonctionne très bien.

Vous êtes assez rares sur scène, vous faites peu de concerts. Est-ce un choix ? C’est pour rester excitant ?
On tourne un peu plus maintenant. On est allés progressivement, maintenant on fait environ 50/60 concerts par an. Avant on en faisait 20. On ne voulait pas que cela devienne une routine, on continue de flipper aujourd’hui avant de monter sur scène. A chaque fois, c’est important pour nous, le live c’est le truc où tu prends des sensations que tu n’as pas dans ton quotidien. On a aussi une vie de famille, des enfants, on ne veut pas sacrifier cet aspect, on fait attention à équilibrer tout cela. Au début, on ne voulait surtout pas se laisser bouffer par la possibilité de faire 100 dates par an et cramer le groupe en 2 ans. On veut entretenir ce plaisir et continuer de jouer. Pour l’instant, cela nous donne raison, depuis 2009, on ne s’est jamais vraiment arrêtés.

Et puis, c’est compliqué de trouver un sujet sur lequel écrire pour un nouveau disque si tu passes ton temps à tourner dans les SMAC, cela ne te laisse plus d’espace pour vivre des choses, pour avoir des sujets.

Et en live ça donne quoi ? Vous êtes combien sur scène et qui s’occupe des voix ?
On est six sur scène, c’est très différent des disques, il y a plus de passages avec des longues montées psychédéliques, on joue beaucoup sur l’idée du riff et de la transe. Moi je ne chante pas, on a une chanteuse avec nous qui n’est pas sur les enregistrements mais qui tourne avec nous. Elle s’appelle Nika Leeflang. C’est le même groupe sur scène depuis 3 ans.

Quels sont vos futurs projets ? Un nouvel album ?

Oui, exactement, notre prochain album sortira le 29 août.

Il a été enregistré à moitié chez nous et à moitié à Berlin chez Anton Newcombe, le chanteur de The Brian Jonestown Massacre. On en revient, on est rentrés la semaine dernière. Ca sera un album avec 12 titres. C’est une espèce de photographie du lycée tel qu’on l’a connu dans les années 80, pas de nostalgie. On voulait parler des gens avec qui on était à l’époque et de comment on a vécu notre arrivée dans ce milieu, un peu comme dans « Le péril jeune ». A l’époque il y avait encore des bandes de punks, de mods, de la new wave avec tous les looks qui vont avec et qui se fréquentaient dans les cours de lycée. Chose qui n’existe plus aujourd’hui. On a eu la chance de connaître cette période. On a aussi co-produit l’album de la chanteuse américaine Sarah McCoy. On fait une tournée à partir de la rentrée. On a fait la BO d’un petit court métrage anglais de Kirk Lake avec qui on avait déjà travaillé sur The Mirror.

Plein de belles choses à venir alors !

Merci Lionel

Propos recueillis par Cath
Crédit photo : Villa Gianni

FESTIVAL MYTHOS
Tout savoir sur le festival Mythos :
http://www.festival-mythos.com/2017/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *