BRNS : « Dans Sugar High on est vraiment allés dans le détail, on voulait quelque chose qui respire un peu plus. »
Leur album « Sugar High » est sorti en octobre dernier. Les bruxellois de BRNS étaient en concert à l’Antipode la semaine dernière.
Rencontre avec Tim et Antoine.
En quoi l’album « Sugar High » est-il différent de vos autres albums ? Il n’a pas été enregistré, pensé et conçu de la même façon ? Le processus était différent ?
Tim : c’était un peu plus décomplexé que les autres. On a vraiment laissé les 4 membres du groupe amener des squelettes de chansons très personnelles. On le faisait déjà un peu avant mais ça venait quand même plus souvent d’Antoine et moi et un peu Diego, et ensuite on construisait à 4. Cette fois-ci, il y a des chansons très typées Antoine, très typées César. Cela nous a permis d’aller plus loin sur certaines ambiances.
Notre album est un peu plus éclaté que les autres mais c’est pas mal aussi !
Vous avez pris plus de temps aussi pour le faire non ?
Antoine : oui et non. On n’a finalement pas pris plus de temps. On dit toujours qu’on a pris une longue pause mais on a fini notre tournée précédente mi-décembre 2015 et 1 mois ½ plus tard, on était déjà en studio. On avait quand même pas mal de choses en stock. En fin de tournée, on avait déjà trouvé du temps pour composer des morceaux, on avait déjà pas mal travaillé. On a donc fait une session début 2016 et une autre en avril 2016. Tout était prêt en enregistrement en mai 2016. Le mixage s’est fait pendant l’été jusqu’en octobre.
« Sugar High » nous a donc pris une dizaine de mois et a été fait dans la continuité de la tournée. Le plus long a été pour la sortie, pour trouver un label.
Elle est là la pause chiante, t’es le nez dans la sortie mais tu dois attendre. Donc en fait, on n’a pas mis plus de temps !
Cet album a été composé dans un esprit nineties, c’est-à-dire ?
Tim : en fait il y a pas mal de références qui sont sorties toutes seules quand on était en train de composer. On se disait : « ah tiens, ce morceau me fait penser à Beck » !
Antoine : pas mal de références ont été données comme Flaming Lips. Dans l’esprit nineties, il ne faut pas s’imaginer qu’on a pris des consoles analogiques. C’est tout simplement un album où nos références ressortent plus que sur les autres albums.
Avant on essayait de gommer systématiquement tout ce qui ressemblait à autre chose, on voulait vraiment faire du BRNS.
On est tous pareils. Au début t’essaie de prouver que tu peux faire un truc vraiment différent et puis, petit à petit, tu es dans une démarche où tu veux te faire plaisir avec un bon plan qui a déjà été fait mille fois. On le fait parce que ça nous fait marrer, parce que c’est plaisant à jouer.
Tim : les gens nous disent toujours qu’il y a quand même une identité BRNS. Identité qu’on n’a toujours pas réussi à définir vraiment. On peut se faire plaisir et explorer plein de choses tout en restant nous donc c’est chouette !
Justement, en parlant de votre son, il y a Lucie qui est arrivée dans le groupe !
Tim : oui, son arrivée a fait évoluer notre live mais pas l’album puisqu’elle n’était pas encore dans le groupe. Cela tombait bien puisqu’elle pouvait chanter tous les chants féminins qu’on avait rajouté dans l’album. C’est peut-être moins agressif aujourd’hui. Avant il y avait un double set de percussions, maintenant il y a une flûte traversière pour donner de temps en temps un côté un peu plus planant. Son arrivée harmonise notre musique !
Antoine : avant moi j’envoyais des grosses basses et Tim tapait comme un bourrin. Ca marchait bien en live mais maintenant on a beaucoup plus d’arrangements, de petits trucs qui viennent et qui repartent, notre palette s’est élargie avec l’arrivée de Lucie.
Tim : c’est chouette aussi pour le public de voir que le groupe évolue. Je pense notamment à Metronomy, je n’ai jamais vu un même line-up, même sur une même tournée, ils peuvent jouer de manière différente.
Antoine : après tu as le public qui suit ou pas, il y a une partie de ton public qui aime que tu fasses toujours la même chose, qui attend tel style, tel concert.
C’est vrai que votre album est très différent. Il est moins sombre, plus léger. Vous écoutiez quoi sur vos platines pendant que vous composiez ?
Antoine : on n’est pas du tout du genre à écouter un disque pendant 1 an à fond pour se dire qu’on va essayer de se rapprocher de tel ou tel album. Notre ingé son a pris comme référence le dernier disque de Suuns pour certaines ambiances un peu spé, malsaines. C’est d’ailleurs un groupe qu’on aime beaucoup. Il n’y a pas vraiment de disques qui nous a marqué pendant la composition, on était vraiment dans le soucis de faire un son différent. Dans les disques précédents, on n’est pas allés assez en profondeur.
Dans Sugar High on est vraiment allés dans le détail, on voulait quelque chose qui respire un peu plus.
Quand on y repense, nos 2 premiers disques sont très bruyants même dans les moments calmes. Dans ce disque on voulait les 2, du calme et du bruyant, quelque chose de plus solaire, qui te fait voyager.
C’est ce schéma qu’on retrouve en live ?
Tim : on est un peu tiraillés. D’une certaine manière on a envie de bastonner à fond sur scène pour que les gens gardent cette image de BRNS en live. Mais on attend avec impatience les dates un peu plus intimistes dans les clubs avec des morceaux où on peut se poser. On a réarrangé des vieux morceaux qu’on jouait bourrins avant en mode plus tranquille.
Cet album a été produit par Tommy Desmedt des Girls in Hawaii. Que vous a-t-il apporté de plus ? Des conseils, des changements que vous n’auriez peut-être pas osé faire ?
Antoine : il fait pas mal de choses différentes, il produit peu de disques finalement, il fait souvent le son pour les Girls, pour « Bruxelles ma belle ». Tommy on le connaît depuis longtemps, il a parfois fait des remplacements quand on jouait. On avait déjà enregistré un titre avec lui qu’on a sorti sur un disque avec Ropoporose. On avait fait ce titre en test pour voir si ça fonctionnait bien avec lui parce qu’on voulait quelqu’un qui connaisse bien le projet, avec qui on pouvait vraiment discuter, dire les choses. Tommy est quelqu’un de très franc et super attentif. En plus il est aussi musicien, on ne voulait pas de quelqu’un d’uniquement technicien. Nos pistes étaient bonnes, pas besoin de les refaire. Au niveau du mix, il a aussi apporté des idées. C’est toujours un bras de fer au début. Nous, on doit lâcher du lest, on est très attachés à nos petites maquettes, et lui, ne démordait pas de certaines choses. Au final, on a gardé plein d’idées.
Tim : sur « So close », le dernier morceau de l’album qui est ultra répétitif et rentre dedans, il a fait un cut off, il a coupé des fréquences. La première fois que je l’ai entendu, ça ne m’a pas convaincu, un truc un peu techno en fait. Et puis, finalement c’est quelque chose que j’ai digéré, ce morceau marche super bien.
Vous aimez expérimenter. Vous vous interdisez des choses ?
Antoine : on a du mal à faire de la pop vraiment directe. On a l’impression parfois que c’est trop simple, trop bateau, parfois trop débile mais tout cela n’est pas conscient, on ne se dit pas ce qu’on ne veut pas faire.
Tim : au début, on s’était donné plein de principes, des choses qu’on ne fera jamais, et puis on évolue. On évolue avec le temps, avec nos envies et on se rend compte de toutes les possibilités de la musique en général.
Vous parliez de votre nouveau label au début de l’interview. Vous pouvez me parler de Yotanka ? Comment êtes-vous arrivés chez eux ?
Antoine : on savait qu’ils aimaient bien BRNS depuis longtemps. De notre côté cela n’allait plus trop avec PIAS, c’est devenu une très grosse boîte qui ne s’intéresse plus trop aux petits projets indés. Ils ont pris une autre route, on ne s’y retrouvait plus trop et eux non plus. On aime beaucoup les Ropoporose, on est amis aussi avec Richard Gauvin des Rockomotives. C’est Richard qui nous a fait faire le disque avec les Ropoporose, 2 titres chacun sur un 45 tours. C’est comme ça qu’on est allés vers Yotanka. C’est une structure qui nous correspond mieux, ils sont plus réactifs car ils ont moins de sorties tout le temps, ils travaillent sur du long terme.
Un gros label estime le temps de ton disque à 3 mois et après c’est terminé.
Nous, on tourne beaucoup, longtemps, de nouveaux territoires s’ouvrent tout le temps, il faut donc relancer régulièrement la promo.
C’est vrai que vous tournez beaucoup et beaucoup à l’étranger. Vous avez dû en vivre des moments improbables non ?
Tim : le plus improbable, c’était en Estonie dans un festival de showcases. Dans les showcases, tu arrives, tu joues 30 minutes et tu te barres. Tous les groupes qui étaient passés n’étaient pas terribles. On s’est mis à jouer tout timidement et le public a adoré. On a eu le droit à une standing ovation, on a été le seul groupe a faire un rappel.
La scène belge est assez incroyable. Vous pouvez m’en parler, me parler d’artistes belges qu’il faut à tout pris suivre ?
Tim : en Belgique il y a plein de groupes qui deviennent très gros, qui font le buzz à fond, surtout la scène hip hop qui est en train d’exploser mais on ne les connaît pas. Il y a Angèle qui est entrée dans la place ! C’est la sœur de Roméo Elvis qui cartonne en Belgique. Le Colisée est en train de monter aussi, c’est très bien !
Antoine : en pop indé finalement il n’y a pas énormément de trucs. Il y a Monolithe Noir, de l’électro très sombre, qui va sûrement cartonner à un moment donné. Il y a aussi Marc Mélia qui vient de sortir un disque. Il fait des trucs assez fou tout seul au synthé.
Merci, je vais écouter tout ça ! Merci Tim et Antoine.
Propos recueillis par Cath
Crédit photo : Geert de Taeye