[LE GRAND SOUFFLET] Les Négresses Vertes : « Les paroles de Helno résonnent encore dans nos bouches. »
Les Négresses Vertes étaient de retour à Rennes sur la scène du Grand Soufflet samedi soir. Le groupe emblématique du rock alternatif français des années 1990 revient après 17 ans de silence.
Rencontre avec Stéfane Mellino juste après leur concert au Grand Soufflet.
Vous vous êtes reformés après 17 ans de silence. Pourquoi ce retour ? C’est pour fêter les 30 ans de votre album « Mlah » ?
Exactement ! On se revoyait tous depuis quelques temps et Mimich (Michel Ochowiak, le trompettiste) a parlé des 30 ans de notre album en se disant qu’on était les mieux placés pour en parler. On a trouvé l’idée très bonne et ça nous a motivé pour revenir sur la scène. Parallèlement à tout ça, on a rencontré le producteur Pierre Alexandre Vertadier qui nous a permis de réaliser ce rêve, de le mettre en forme, de répéter, de monter la tournée. Voilà pourquoi nous sommes de retour !
On pense aussi à Helno (décédé en 1993) qui a écrit la majorité des textes de « Mlah ». Les chansons que vous chantez sur scène sont finalement ses mots sortis de vos bouches. C’est une façon pour vous de lui rendre hommage ?
Oui c’est sûr. On a fait d’autres chansons et d’autres albums après « Mlah », on continuait de chanter « Zobi la Mouche » et « Voilà l’été » mais la majorité des chansons de cet album n’était plus chantée sur scène. On est toujours autant touchés par la prose d’Helno, par sa façon de voir les choses.
« Mlah » était un album qui était très No future sous ses airs dansants mais on se rend compte que la réalité est tout autant valable aujourd’hui. Les paroles de Helno résonnent encore dans nos bouches.
Cette tournée se fait avec un nouveau batteur et un nouvel accordéoniste.
Oui il y a deux nouvelles personnes avec nous. C’est la production qui nous a présenté le batteur Matthieu Rabaté, on ne le connaissait pas. On le connaissait de nom, c’est un très bon batteur, connu dans le métier mais on n’avait jamais joué avec lui. Tu sens quand le feeling va passer ou pas avec les gens assez vite et ça l’a tout de suite fait avec lui. L’accordéoniste, François Touche, on le connaît depuis 12 ans, on avait déjà fait pas mal de choses ensemble.
La tournée a démarré en Belgique, vous avez fait plus de 80 dates. Comment avez-vous préparé votre retour sur scène ? Ca se passe comment quand on a laissé des chansons de côté pendant 17 ans ? Comment on se les réapproprie ?
Aujourd’hui c’est la 70ème date ! Le retour s’est passé le plus simplement du monde. On a commencé à retravailler les morceaux à 3 seulement en guitare-voix. On s’est redistribué les chansons, savoir qui allait chanter quoi. On a vite vu qu’il allait falloir mettre beaucoup d’énergie dans les chansons de « Mlah », elles en sont empreintes. On s’est ensuite réunis avec tous les membres. On s’est dit qu’il fallait donc qu’on teste notre retour avec le public dans quelques salles d’abord. On n’aurait pas été plus loin si ce retour ne nous avait pas convenu. On ne voulait pas qu’on parle de notre retour si sur scène c’était la catastrophe.
On voulait voir avant si ça fonctionnait toujours entre nous et il se trouvait que c’était le cas, qu’on est toujours portés par ces chansons. Ce sont des chansons qui nécessitent un don de soi alors on y va à fond.
Le feu brûle encore entre vous sur scène. Ca s’est vu ce soir !
Oui c’est un plaisir pour nous. Ca fait 30 ans que notre album existe, qu’il est toujours diffusé. C’est un album qui n’est pas mort, qui est toujours diffusé sur les radios. Je ne connais pas beaucoup de groupes autour de moi qui connaissent la même chose.
Un album qui dure depuis 30 ans, c’est une chance inouïe, ça se respecte et ça passe par une sincérité avec le public.
En 17 ans d’absence de la scène, le monde de la musique a totalement changé : identité numérique, plateformes de streaming, réseaux sociaux… Ce nouveau monde a aussi fait partie de votre travail de retour ? Comment avez-vous appréhendé tout cela pour les Négresses Vertes ?
On a quand même continué d’exister pendant nos 17 ans d’absence et on a vu tout ça arriver. Honnêtement, pour les Négresses Vertes, on n’a pas besoin de tout ça. Notre retour se fait par le contact, le vrai, le réel. Je ne suis pas sur les réseaux sociaux pour ma part. On y est quand même avec les Négresses mais ça n’est pas notre priorité. On est crédibles sans et cela fonctionne très bien. Les réseaux sociaux, c’est bien pour les jeunes projets et ils en profitent pleinement mais ça ne compte pas vraiment pour nous.
Pourquoi avoir arrêté il y a 17 ans ? N’était-ce pas une simple pause au début ?
Au départ, on devait juste se poser un peu, on avait déjà tous la quarantaine. Après 15 ans de musique, on voulait tous se poser, fonder des familles, aller voir ailleurs musicalement. Les 3 premières années, ça nous a tous fait du bien.
Notre manager est ensuite décédé et cet événement malheureux a été déclencheur dans le fait de partir chacun dans son coin, dans d’autres projets.
Vous avez continué la musique chacun de votre côté. Pour toi ça s’est passé comment ? Je crois que tu as fait pas mal de choses.
Oui, on a presque tous continué dans d’autres groupes. Moi, j’ai enchaîné assez vite. J’ai fait de la réalisation d’albums, j’ai écrit des chansons pour moi et pour d’autres, j’ai fait des albums sous mon nom. On a fait un groupe en duo avec Iza (percussions et choeur dans les Négresses Vertes), on a fait tous les bars de Bretagne avec ce duo ! En tout on a dû faire 600 concerts et 4 albums.
On est tous restés bien actifs dans la musique ce qui nous a permis d’être très à l’aise pour ce retour.
Revenons à l’histoire du groupe. Par quelle chanson a débuté l’histoire des Négresses vertes ?
Les Négresses Vertes sont nées avec « Zobi la Mouche ». Le projet était dans l’air depuis un moment, on voulait travailler ensemble, on se connaît tous depuis le début des années 80. Un jour, Helno écrit donc cette chanson. Il vient avec Paul O (le bassiste) me proposer cette chanson. J’ai trouvé la chanson énorme et tout est parti comme ça ! La chanson nous a vite dépassés mais on a réussi à contrôler le phénomène.
Comme tu le disais tout à l’heure, votre musique est caractérisée par ses rythmes festifs, mais vos textes le sont beaucoup moins… Vos chansons sont toujours d’actualité malheureusement.
Helno et moi avons écrit sur ce premier album mais surtout Helno. Il avait une façon de voir les choses qui reste aujourd’hui encore d’actualité, encore entière et qui a malheureusement empiré.
C’était les années Mitterrand quand on chantait « Il ». Il avait annoncé dans son programme qu’il n’y aurait plus de SDF en France. 30 ans plus tard il y en a 12 000 en plus…
Aujourd’hui, vous pensez à l’avenir du groupe ? Un retour à la création est-il envisageable ?
Pour le moment c’est vraiment cette tournée qui nous emporte. On revient tranquille. On fait les concerts, ça nous prend déjà beaucoup d’énergie.
On verra si derrière tout ça on a une envie de chanson, ça serait super mais chaque chose en son temps.
Vous êtes déjà venus sur Rennes non ? En 1988 pour les Trans Musicales. Vous gardez de bons souvenirs de cette ville ?
Oui notre première fois était aux Trans Musicales à la salle de la Cité, notre album venait juste de sortir. On s’est retrouvés sur cette scène avec toute l’équipe, avec Jean-Louis Brossard. On a aussi joué plusieurs fois à l’Ubu. Ce sont de bons souvenirs, c’est normal, c’est en Bretagne et c’est Rennes !
Merci Stéfane.
Propos recueillis par Cath
Crédit photo : Olivier Metzger