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Arnaud Rebotini : « La house était la musique qu’ils allaient chercher dans les clubs pour se sortir de la lutte et de la maladie. »

Fraîchement césarisé pour la BO de «120 battements par minutes», Arnaud Rebotini était en concert à Mythos samedi dernier. Nous avons pu le rencontrer juste avant son concert.

Rencontre avec Arnaud Rebotini.

Comment la musique est arrivée dans ta vie ?
Comme beaucoup de musiciens, c’est arrivé à l’adolescence. C’était comme un rêve que tu penses ne jamais réaliser, un désir de se mettre dedans. Ca a toujours été pour moi une volonté de faire de la musique. J’ai appris à jouer de la guitare assez jeune, je chantais dans un groupe au lycée. Le parcours classique.

Le premier disque que j’ai écouté était à mon père, un Jerry Lee Lewis ou les Rolling Stones. Ma famille écoutait beaucoup de musique.

Tu as travaillé chez Rough Trade.
Oui, cela était logique pour moi de travailler dans ce milieu, d’avoir accès aux disques. C’était avant Internet tout ça, on avait plus de mal à s’informer sur la musique et les nouveautés à l’époque. Chez Rough Trade, j’étais au courant de toutes les nouveautés. J’ai toujours acheté des vinyles.

C’est en tant que disquaire que tu as fait ta culture en musiques électroniques ?
En grande partie oui.

C’est d’ailleurs à Rough Trade que tu as rencontré Ivan Smagghe avec qui tu as crée « Black Strobe ». Je vous ai vu en concert aux Transmusicales il y a quelques années, mais ça n’était déjà plus avec lui ?
La version avec Ivan Smagghe n’existe plus depuis longtemps. Il est parti en 2006, on avait écrit les paroles de l’album ensemble. Le duo s’est arrêté pour divergences musicales. Je me suis retrouvé tout seul mais j’ai trouvé de nouveaux musiciens. C’est avec eux que nous avons joué aux Transmusicales.

Dans ta musique, on ressent la culture électro de Détroit, le krautrock d’Allemagne et même le blues de Chicago.

Je suis inspiré par plein de choses. J’ai une carrière et un parcours assez compliqués.

Ca va de choses acoustiques, des orchestres de chambres, comme je faisais avec Zend Avesta, avec des clarinettes et des violons. Je compose aussi des choses un peu plus rock avec Black Strobe. Et concernant ma partie solo, je fais de la musique autour de la house et de la techno.

Ta palette musicale est donc très large, tu alternes des disques très différents. Tu en as besoin pour éviter l’ennui ?
Je ne sais pas, je fonctionne comme ça depuis le début de ma carrière. Je pense que je perd du monde à chaque fois, les gens peuvent être décontenancés. Mais avec le temps les gens sont habitués à ce fonctionnement, sont habitués à être surpris, c’est ma nature je crois.

Et puis j’ai ce défaut de passer à autre chose quand un style devient à la mode. Ca complique les choses mais j’ai toujours fonctionné comme ça.

Tu n’aimes pas les ordinateurs, ou du moins les musiciens qui se cachent derrière les ordinateurs. Sur scène, ça donne quoi Arnaud Rebotini ? Tu es entouré de machines ? Tu joues tout seul ?
J’enregistre et je produis avec un ordinateur dans mon studio mais sur scène c’est différent. J’ai la chance d’avoir tout un parc de machines vintage, ce qui est très bien pour la musique électronique. Sur scène, il y a un vrai plaisir de jeu, une vraie installation scénique que les gens aiment voir et qui habille toute ma musique. Sur scène je suis tout seul et je réinterprète mes morceaux par rapport aux versions du disque car je ne peux pas faire tous les arrangements que j’ai fait sur le disque en studio. Je ne fais aucun morceau de « 120 battements par minutes » qui a été écrit avec un orchestre de chambre.

Le live est vraiment très différent de mes albums. Je suis limité par la possibilité des machines donc c’est une autre découverte sur scène.

Encore ému de ton césar pour la BO de « 120 battements par minutes » ?
Ca va beaucoup mieux. Dix minutes après j’allais déjà beaucoup mieux. J’étais pris par mes émotions.

Robin Campillo avait déjà fait appel à toi pour son deuxième film « Eastern Boys ».
J’ai effectivement déjà travaillé avec Robin Campillo et je viens de finir des musiques pour deux films qui sortiront bientôt.

J’avais déjà eu une petite expérience dans les années 2000 avec Jean-Pierre Limosin pour son film « Novo ».

C’est un exercice qui te plaît ?
Oui beaucoup. C’est une expérience différente, on n’est pas du tout à la même place. Quand tu composes ton album, c’est toi le chef.

Pour une BO, tu travailles pour un réalisateur et tu es la seule personne qui va écrire pour le film, en dehors du scénariste.

Tu te mets dans une histoire, écrite par quelqu’un d’autre, tu y apportes des éléments sonores pour rendre encore plus efficace l’histoire, le discours du réalisateur. C’est très agréable à faire. Pour ma part, j’ai moins de pression quand je fais une musique de film.

Pour « 120 battements par minutes » , tu t’es inspiré de musiques de l’époque ? J’ai entendu dire que tu avais même composé avec des machines de 1993.
J’ai déjà les machines de l’époque chez moi, j’ai racheté un synthé spécialement pour les sons d’orgues, pour les sons typiques de la house de cette époque. Robin connaît bien la musique de cette époque, on avait un petit corpus de morceaux de référence pour s’en inspirer. On a ajouté toute la partie acoustique, la clarinette, la harpe, le cor, la flûte qui, pour le coup, n’étaient pas dans la house des années 93/95 au moment du film.

Ca ne t’a pas fait peur de t’attaquer au morceau culte « Smalltown Boy » de Bronski Beat ?
Si bien sûr ! Robin voulait un remix comme s’il avait été fait en 93.

The Communards avaient donné un concert de soutien à Act’Up et Jimmy Somerville avait chanté cette chanson.

C’était logique d’intégrer ce titre, je n’ai donc pas pu reculer. Je l’ai fait en respectant au maximum le morceau et ce que me demandait Robin.

D’ailleurs, 120 BPM c’est un hommage à la house music non ?
Oui c’est le tempo du disco et de la house Robin voulait un hommage à la house music dans son film. Un hommage caché puisque le film est tellement dense qu’on ne voit pas ça, un hommage aux héros oubliés de la musique. Patrick Cowley qui a remixé « You Make Me Feel  «  et qui était le producteur de Sylvester est mort du sida très jeune, au début de l’épidémie.

Les scènes où on entend ta musique dans le film ont un côté libérateur, on respire un peu.
Les scènes sont même filmées de façon religieuse je trouve. On pourrait se croire dans une église. Robin a filmé des moments d’espoirs, de lumières. Je pensais faire de la techno au début pour le côté dark mais Robin voulait de la musique lumineuse.

La house, c’était la musique qu’ils allaient chercher dans les clubs à l’époque pour se sortir de la lutte et de la maladie.

Tu m’as dit tout à l’heure que tu avais travaillé pour deux films qui vont sortir bientôt. Tu as d’autre actu à venir ? Un nouvel album solo ?
Actuellement, je prépare un nouvel album solo et un nouvel album pour Black Strobe. Ils sortiront en 2019. J’ai surtout beaucoup de dates à venir. Mon césar me fait beaucoup tourner.

Merci Arnaud Rebotini.

Propos recueillis par Cath
Crédit photo : Q Caffier

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