Comptoir d’été #2 : le Mondo Bizarro
Pendant la trêve estivale, rennes musique vous propose de découvrir ces bistrots rennais où les amateurs de bonne musique aiment traîner leurs oreilles. Ces bistrots où l’on aime découvrir des artistes, ces bistrots où l’on aime se retrouver autour d’une passion commune, ces bistrots où l’on se sent chez soi…
Episode 2 : rencontre avec Bruno du Mondo Bizarro
C’est quoi l’histoire de ton bar ? Depuis combien de temps on vient écouter de la musique chez toi ?
Il y a de la musique ici depuis le début, c’était le but en ouvrant cet endroit. J’organisais des concerts ailleurs avant, au Tontons Flingueurs dans les années 90. J’étais aussi à l’Ubu, dans les bars et salles à organiser des événements, à la Funhouse aussi. C’était un local associatif rue d’Echange, tenu par l’association Fun Spectacle, avec un bar associatif, des locaux de répétition pour les groupes, des salles de concert, de squash, de danse rock’n’roll. Ca n’a pas duré très longtemps parce qu’il n’y avait pas de subventions et que c’était dur à tenir niveau loyer et autres frais. Tout ça était à la même période. Les Tontons Flingueurs de 1993 à 1998 et la Funhouse de 1997 à 2000. Caterina Virgilio [de Fun Spectacle] a essayé d’avoir des subventions mais Le Jardin Moderne se montait en même temps et cette structure a eu la préférence de la ville de Rennes car en dehors de la ville et plus « sérieux ». J’étais en contrat aidé là-bas et j’y organisais aussi des concerts. Dans le même temps, j’ai toujours été musicien, j’échangeais avec des groupes souvent d’Europe de l’est. En tant que tourneur, j’ai commencé à travailler avec pas mal de groupes étrangers pour la partie française de leurs tournées, et quand Les Tontons Flingueurs et la Funhouse se sont arrêtés je n’avais plus de lieu pour organiser mes concerts. J’avais eu vent de cette salle, qui s’appelait La Baleine Bleue à l’époque, par les gars de Kfuel et comme j’avais un groupe assez important à booker (NRA, un groupe hollandais de skate punk) et plus de lieu, je leur ai demandé de le faire ici. Ca a marché, on a eu 250 personnes, et le propriétaire du bar m’a dit qu’il était là depuis un an mais que ce n’était pas ce qu’il voulait faire et qu’il voulait vendre.
L’idée a germé dans ma tête. Après j’ai fait toutes les démarches (commission spectacle, sécurité, budgets pour les banques) et j’ai ouvert le 15 janvier 2002, dans le but de faire comme ce qui se faisait au Tontons Flingueurs, c’est-à-dire laisser la salle aux associations rennaises qui viennent investir les lieux et s’occuper d’une grande partie de la programmation. Pendant les Tontons beaucoup d’associations se sont créées parce qu’elles savaient qu’il y avait un lieu pour les accueillir, pareil pour les groupes qui se sont montés, après il y a eu un creux de la vague et j’ai senti que ça repartait quand j’ai ouvert le Mondo Bizarro.
Qu’est ce qu’on écoute chez toi ?
Un peu de tout. Au début, j’étais un peu réticent sur tout ce qui est électro, hip hop et reggae. Je voulais vraiment faire jouer des groupes de musiques amplifiées. En plus, pour l’électro, il y a déjà Le Chantier. Tout ça s’est fait petit à petit et ça s’est toujours bien passé.
Après ça reste une programmation majoritairement rock au sens large du terme, avec des choses plus extrêmes (punk, hardcore, metal).
Tu peux nous parler du nom de ton bar ?
C’est une référence à un de mes groupes cultes, les Ramones, et leur album sorti en 1992. Ils ont arrêté en 1996, trois membres sont morts successivement au début des années 2000 et j’ai eu la chance d’accueillir en 2003 le batteur, Marky Ramones.
Un concert qui t’a marqué ? Ton meilleur souvenir ?
Il y en a beaucoup. En ouvrant, je ne pensais pas pouvoir accueillir tous les groupes importants pour moi qui sont venus ici parce que je ne pensais pas cela possible. Des groupes dont je suis fan depuis gamin, qui remplissaient des salles de 1000-2000 personnes dans les années 80, comme les Fleshtones, les Cynics, tous les groupes de punk 77 dont je suis fan (UK Subs, 999, Sham 69), Lords Of The New Church (sans Stiv Bators forcément [il est décédé en 1990]). Mais si je devais choisir un concert marquant, je dirais Sky Saxon et les Seeds, un groupe de garage des années 60. Il est venu quatre-cinq fois. A chaque fois, c’était blindé de monde, ça s’est toujours super bien passé et il était adorable. La dernière fois qu’il est venu, c’était en novembre 2008, il était très affaibli, il faisait un peu vieux hippie bloqué sous acides mais toujours super gentil. Le concert était quand même super bien. Il est décédé quelques mois après, le 25 juin 2009, le même jour que Michael Jackson sauf que personne n’en a parlé. C’était un personnage que je ne connaissais pas du tout avant de l’accueillir pour la première fois et depuis je suis vraiment fan, et c’était un grand plaisir à chaque fois. Il y a aussi un autre personnage que je trouve excellent c’est Little Bob de Little Bob Story. C’est un vieux rockeur français, également super adorable. Des fois il m’appelle, pas pour caler une date mais juste pour prendre des nouvelles. Il doit avoir dans les 65 ans aujourd’hui. Ce sont souvent les musiciens les plus anciens qui sont les plus humbles.
Little Bob sera en concert à Rennes le samedi 29 août à l’occasion de Transat en ville.
Qu’est ce que ça t’apporte ? Le côté positif ?
Au départ, je voulais joindre l’utile à l’agréable. Avant je n’avais jamais tenu de bar, j’étais essentiellement musicien, organisateur de concerts et sonorisateur. Je trimballais mon matos à droite à gauche, maintenant tout est sur place et c’est mieux. Ca m’apporte du plaisir. Enfin, pas tout le temps, je ne fais pas que des trucs qui me plaisent non plus, certains me gonflent royalement aussi. Et puis, il y a des jours où j’ai pas envie comme tout le monde je pense, mais dans la majorité des cas ça se passe bien. Les zicos sont toujours super contents et repartent avec le sourire, ils trouvent le lieu bien et en parlent autour d’eux.
Est-ce que tu participes à des festivals sur Rennes ?
Les Bars en Trans, Bar’n’Breizh (maintenant Hey! MayDays), le Will’Stock, même si ce n’est pas un festival officiel mais un truc pour l’anniversaire de Willy, le batteur des Trois Fromages, qui a pris de l’envergure [et fait venir Passe-Partout chanter du Johnny Hallyday en 2014, oui oui], pareil pour Kicé Qu’à l’Chat.
As-tu participé à l’essor de groupes rennais ?
Il y en a sûrement mais je n’ai pas d’exemples particuliers en tête. Je sais qu’il y a des groupes de Douarnenez comme les Good Old Boys, qui s’appellent maintenant The Octopus, qui sont venus faire une de leurs premières scènes ici sur l’invitation de Beast Records. Ils étaient tout gamins, leurs parents les accompagnaient, ils devaient avoir 15-16 ans. En groupes rennais, il y en a sûrement mais j’en ai pas à l’esprit maintenant, je sais qu’Head On, le groupe de Seb de Beast Records qui est devenu assez important, a joué souvent ici, beaucoup de très jeunes groupes aussi comme les Popopopops avant de faire des salles plus importantes, et les Magic Surfers qui ont ensuite rejoint les Bikini Machine.
Rencontres-tu des difficultés ? Des plaintes avec le voisinage ou la ville de Rennes ?
En ce moment, on a des soucis suite à une plainte datant de l’été dernier, ce qui ne sert un peu à rien vu qu’il n’y a plus de soucis. Le jardin était ouvert pendant mes vacances et il a été fermé trop tard, avec plein de monde et le bruit qui va avec. En plus de cela, la commission de sécurité m’a demandé de faire des travaux, ce qui est normal. Ils sont faits mais la commission met du temps à repasser pour valider, ce qui fait que je me retrouve bloqué malgré tout. A cause de cela, je ne peux plus fermer à 3h du matin. Du coup, je dois fermer à 1h actuellement et je dois repasser en commission à la rentrée pour ma licence spectacle. Mais bon, ça fait partie du jeu, je ne suis pas une exception, même en faisant les choses dans les règles.
Que penses-tu de la politique rennaise concernant les lieux culturels ?
Je pense qu’il n’y a pas à se plaindre à Rennes. Les gens n’ont pas forcément toujours le recul mais j’ai pas mal voyagé en tant que musicien et ce qui m’a frappé à chaque fois c’est que les gens se plaignent de leur ville alors qu’en fait ça va (comparé à certaines villes dans d’autres régions où il n’y a rien). Il y a des concerts tout le temps, que ce soit dans les salles ou dans les bars, il y a des sites comme le vôtre, des radios comme Canal B, des festivals… Il y a vraiment beaucoup de choses à Rennes et il faut s’en rendre compte, ne pas cracher dans la soupe. J’aime bien Rennes, je suis un rennais pur souche, et même si j’ai parfois des soucis, je suis content de ma ville.
Quel/s autre/s bar/s à concerts tu aimes à Rennes ?
Je n’ai pas trop souvent l’occasion mais en général je vais au Bistrot de la Cité, au Gazoline, au Carnaby, au Ty Anna, ou à La Bernique Hurlante.
Des conseils pour ouvrir un établissement comme le tien sur Rennes ?
Essayer de faire tout dans les règles de l’art et en accord avec la loi, ce que je fais, mais c’est aussi source de soucis, ou alors tout faire en douce comme d’autres bars le font sans avoir de comptes à rendre. Plus sérieusement, il faut être motivé, avoir la foi, la passion de la musique en général. Je trouve ça hyper gratifiant de pouvoir accueillir des groupes de tout horizon musical.
Quel est le budget moyen pour venir écouter un concert chez toi ? Combien coûtent l’entrée et la bière ?
La moyenne est de 6-7 euros, parfois il y a des soirées gratuites. Le tarif le plus élevé pour un événement, c’est 15 euros. Au début, je trouvais ça super cher pour un bar mais c’était pour Lio ou des groupes internationaux connus, pour assurer le cachet, l’accueil du groupe à l’hôtel, la Sacem. C’est vraiment exceptionnel. Pour des trucs importants, c’est plutôt 10 euros. Sinon la bière de base est à 2,60 euros, 3 euros pour les supérieures.
Avec une entrée à 6 euros, vous êtes aussi responsable qu’au Gazoline, donc vous ne boirez que 3 bières pendant votre soirée : une en arrivant, une pendant le concert et une à la fin pour débriefer avec vos amis. Vous prenez la bière la moins chère car c’est un budget de sortir à Rennes.
Une entrée à 6 euros + 3×2,60 euros de bières = 13,80 euros pour une bonne soirée au Mondo Bizarro.
Ca reste toujours très correct.
On pourra encore écouter des concerts chez toi pendant longtemps ?
Je ne sais pas encore. Au début, j’étais parti pour cinq ans, le temps d’amortir les prêts bancaires pour démarrer, mais j’ai du en faire d’autres par la suite, et puis ça passe super vite. J’ai des projets lointains en tête. J’aimerais bien bouger en Espagne. Rien n’est fait mais ça fait un moment que j’y pense. D’ailleurs au départ, je voulais ouvrir mon bar là-bas avant de l’ouvrir à Rennes, mais mon fils était en bas âge donc je ne pouvais pas me permettre de partir aussi loin. C’est un vieux rêve, je ne suis pas sûr que ça se fasse mais j’y pense régulièrement, du coup j’ai encore quelques années à faire ici.
Merci Bruno.
Rendez-vous la semaine prochaine pour le comptoir d’été #3 !
Lire l’épisode 1 avec Renaud du Gazoline.
Propos recueillis par Lucie et Cath
Crédit photo : Lucie
Le Mondo Bizarro : 264 Av. Général George S. Patton à Rennes
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Super lieu !
Nous avons eu la chance d’y jouer en première partie de Ricky Rat, c’était génial !
Et le boss, on voit qu’il aime ce qu’il fait et il le fait bien.