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Santa Cruz : « c’est un album plus rock et surtout pop dans les émotions qu’il dégage. »

NOW & HERE, le 6ème album de Santa Cruz, sort aujourd’hui. Le quintet rennais s’est bien entouré pour nous livrer un album différent aux collaborations 4 étoiles.

Rencontre avec Pierre-Vital Gerard de Santa Cruz.

Le titre « Now & Here », parce que c’est maintenant et pas ailleurs ? Parce que le monde a changé depuis MicrOrgan qui est sorti il y a 3 ans ? Parce que c’est l’album qui vous correspond le plus ?
C’est exactement tout ça ! On voulait donner une photo de ce qu’est le groupe aujourd’hui et de ce qu’on veut faire aussi musicalement. C’est le sixième album donc c’est aussi la façon de dire « aujourd’hui, on fait ça, c’est un peu différent ». Il y a des gens qui nous connaissent depuis le début mais qui nous ont pas forcément suivi tout le temps.

Le titre « Now & Here », c’est une façon de dire que la musique qu’on fait aujourd’hui n’est pas la même que celle que l’on faisait il y a 15 ans, il y a de nouvelles influences, c’est plus lumineux, plus pop.

Et puis on l’a mis aussi dans ce sens là parce que normalement c’est « Here & Now », mais dans l’autre sens si tu le colles, ça fait « Nowhere ». Ici et maintenant, c’est aussi nulle part, j’aimais bien ce petit jeu de mot. Ca a beaucoup plu à Ian Caple qui a fait l’album et qui est anglais et qui n’avait jamais pensé à ce truc là ! On reconnaît bien le groupe mais on va ailleurs dans cet album. Et puis il y a aussi le fait que le groupe n’a plus le même nombre de membres. On a commencé il y a 15 ans à 8, puis à 7, puis 6 et aujourd’hui 5. Cela modifie de nouveau les places de chacun dans le groupe.

Parlons des collaborations pour cet album.

L’album a été enregistré et mixé par Ian Caple (Tricky, Tindersticks…). Comment s’est faite la rencontre ?
Cela s’est fait d’une manière assez classique. Maintenant on peut contacter les gens assez facilement avec les réseaux sociaux, les mails. Mais avant de contacter Ian Caple, il a fallu le choisir dans une liste de nos envies. On est fans de l’album « Fantaisie militaire » de Baschung et puis de tous les Tindersticks. J’ai aussi regardé ce qu’il avait fait par ailleurs et j’ai découvert qu’il y avait Tricky et plein de choses assez différentes. Il a aussi bossé avec beaucoup de français donc on s’est dit que c’était la bonne personne.

Ian Caple a aussi mixé l’album des Bikini Machine, ils nous ont dit que c’était un mec super professionnellement et humainement.

Après on a discuté des conditions et il s’est calé sur notre budget.

Quels conseils vous a-t-il apporté ? Des choses totalement inédites ? Des conseils précis sur des chansons ?
Il nous a apporté sa science de l’enregistrement. Il nous a indiqué un studio qui correspondait aussi à notre budget. On est allés au studio Vega à Carpentras. Il y a une vieille console sur laquelle il avait déjà bossé il y a 25 ans.

Ian Caple nous a apporté sa maîtrise de l’enregistrement, du son. On lui a aussi demandé d’intervenir dans les chansons, dans la structure, dans la façon de les jouer, dans la couleur.

On a changé parfois l’instrumentation. Il a aussi ramené deux boîtes à rythmes sur deux morceaux. On n’avait pas vraiment prévu ça. Il intervenait un petit peu dans la
composition mais surtout dans la couleur des chansons. Sur le morceau « Radio Talking », le plus lent de l’album, on ne le jouait pas du tout comme ça quand on est arrivés en studio. On avait un gros doute sur ce morceau, on savait qu’il était bien mais pas de la manière dont on le faisait. On n’avait pas trouvé la bonne manière. Quand on l’a joué devant lui, il nous a dit : « c’est une des plus belles mélodies que j’ai entendue depuis longtemps ». Il nous a conseillé de la ralentir, d’en faire une ballade. Il a tout de suite trouvé la solution et ça l’a fait direct. C’est sur cette chanson qu’on a sorti le premier clip de l’album.

L’album a été arrangé par Joseph Racaille (Alain Bashung, Miossec…) sur la partie cordes.
Il a fait les arrangements pour le quatuor à cordes et deux cuivres, cela concerne 4 morceaux sur l’album. Et sinon il y a Mirabelle Gillis qui joue du violon toute seule sur deux morceaux. Quand on entend les arrangements du quatuor à cordes, ce sont donc les arrangements de Joseph.

Ce quatuor à cordes enregistre d’habitude avec les Tindersticks ou Divine Comedy !
C’est un quatuor à cordes anglais et c’est Ian Caple qui nous en a parlé. Il les connaissait et savait que ça serait fait bien et rapidement. On avait cette idée bien avant d’aller en studio puisqu’on avait demandé les arrangements bien avant à Joseph. On les a enregistrés après le studio, un mois après en Angleterre. Tout a été fait en une journée.

C’est votre travail avec l’Orchestre de Bretagne qui vous a donné envie de vous entourer de cordes ?
La rencontre avec Joseph Racaille date de cinq ou six ans, c’est lui qu’on avait pris pour arranger ce projet. On a donc gardé des liens et on a tout de suite pensé à lui pour les cordes !

Vous vous êtes bien entourés pour cet album !
Oui une belle famille !

Et puis Ian Caple et Joseph Racaille avaient déjà bossé ensemble sur « Fantaisie militaire » de Bashung il y a 20 ans.

Ils ne s’étaient jamais revus, ils se sont retrouvés en studio. Et le studio que Ian nous avait conseillé appartient à un ancien musicien de Bashung. Ian ne le savait pas, et c’est un ami d’enfance de Joseph Racaille. Tout est lié ! Tout ça s’est fait par hasard, il y a des signes qui font que ça fonctionne bien.

Vous l’avez donc enregistré au studio Vega. Vous l’avez enregistré comment ? Tous ensemble dans la même pièce en mode « live» ou instrument par instrument ?
On a fait les prises live des parties principales, basse, batterie, guitare et clavier. On a ensuite rajouté les couches d’arrangements. On avait pas mal bossé avant d’aller au studio donc on les maîtrisait bien. Pour le violon, Mirabelle est arrivée à la fin au studio et a joué sur les morceaux déjà enregistrés. Pour le quatuor à cordes ça s’est fait trois semaines après en Angleterre.

Dès le premier morceau, on entend un son plutôt vintage. C’est ça que vous êtes allés chercher dans ce studio ?
Effectivement tout est vintage dans ce studio, de la console ou moindre micro. Il y a du matériel des années 70. On cherchait vraiment ça. On joue aussi sur des amplis qui datent un peu, il n’y a rien de neuf dans notre matériel, ça donne un son qu’on aime. Après il n’y a pas de volonté de faire une musique qui sonne comme dans les années 60 mais c’est comme ça qu’on joue. Ca n’est pas une musique de genre comme certains groupes de garage qui veulent ce son très précis. Et puis, au début, c’est Ian qui nous a proposé ce studio, on aurait très bien pu jouer au Black Box qui est un peu plus moderne. Ca n’était donc pas une volonté artistique de notre part.

En quoi cet album est différent ? Comme tu le disais il est plus pop, plus lumineux. C’était clairement folk, americana au début. Beaucoup moins aujourd’hui. Vous êtes partis ailleurs.

C’est un album plus rock et surtout pop dans les émotions qu’il dégage.

Il y a aussi des évolutions de compositions, d’influences. La pop a toujours été mon style plus que l’americana en fait. C’est vraiment la musique que j’aime faire. Je pense qu’aujourd’hui c’est aussi les évolutions du groupe. Pendant longtemps, on était deux chanteurs, on se partageait les compositions. Il y a toujours eu des morceaux pop sur les albums de Santa Cruz, même sur le premier mais c’était compensé par des choses clairement americana. Aujourd’hui, ça fait déjà deux albums que je suis le seul à composer et donc ça s’entend plus.

C’est toi Pierre-Vital qui écris les textes. Les textes sont moins introspectifs, plus sur l’actualité, comme « The pilot is me » qui parle du crash de l’avion dans les Alpes.

C’est une belle métaphore du monde dans lequel on vit. Un mec aux commandes qui envoie tout le monde dans le fossé.

Je suis content de ce texte, j’ai réussi à trouver un peu d’ironie malgré le sujet. Effectivement tu as raison, c’est exactement ce que je voulais faire : ramener un peu d’actualité dans des histoires qui peuvent sembler être intimes ou personnelles, raconter des scènes ou des tranches de vie qui sont impactées par l’actualité, par le monde qui nous entoure. C’est ce que j’ai voulu faire sur pas mal de textes, pas tous. Par exemple, « Summer dies tomorrow » parle du printemps arabe, le fait que des jeunes sortent dans la rue et s’organisent via les réseaux sociaux et communiquent vers le monde extérieur. C’est pas clairement dit dans la chanson, c’est entre les lignes, je ne veux pas non plus que les textes soient trop clairs, je veux que l’imaginaire reste possible en écoutant les chansons.

Dans « Favourite Jesus », je parle des sociétés qui demandent de plus en plus aux gens de travailler le dimanche et tout ce que cela implique. C’est une religion qui en remplace une autre. On remplace la religion par une autre, celle de la consommation.

J’ai déjà beaucoup écrit de chansons avant, il faut aussi se renouveler. Au début, on parle de soi, de l’intime. On met les choses importantes dans le premier album et ensuite, au fur et à mesure, on s’ouvre, on est moins centré sur soi. L’âge fait qu’on regarde aussi plus le monde qui nous entoure.

On peut voir les influences de cet album sur une playlist que vous avez faite. On y retrouve Tindersticks, Fleshtones, Nancy Sinatra…
Les deux albums qu’on a vraiment écouté ces derniers temps sont celui des Woods et le dernier de Alabama Shakes, deux trucs américains dans deux styles différents. Woods est sûrement plus proche de ce qu’on fait en terme de composition, mais en terme de son, l’album d’Alabama Shakes nous a complètement mis sur le cul. C’est des choses comme ça qu’on a pas mal écoutées, des choses qui restent quand même dans le songwriting et ses classiques. Après, moi j’écoute beaucoup de choses, même des choses qui n’ont rien à voir avec Santa Cruz.

Ce qui me touche en général ce sont des choses un peu mélancoliques, assez lumineuses mais avec un fond un peu dark. C’est ma sensibilité.

Mais ce sont des sentiments que tu peux retrouver dans l’électro, dans la chanson. C’est une couleur que j’aime mais c’est pas un style spécifique, j’écoute plein de choses différentes.

La conception de cet album a été plus longue que d’habitude non ? 3 ans. Pourquoi ? Vous aviez peut-être aussi envie de vous laisser le temps ?
C’est plein de choses en fait. Depuis le dernier album, il y a un membre en moins dans le groupe. Il faut du temps pour que le consensus se fasse, pour s’organiser autrement. Ce départ nous a demandé du temps. Tant que tout n’est pas clair, c’est dur de se projeter dans le nouvel album. Tout ça ce sont des histoires humaines qui t’amènent vers la musique que tu veux faire.

Ta musique, ton album, tes compos ne prennent pas la même forme selon qui joue avec toi. On a vécu cinq albums à six, on en vit un premier à cinq.

Cela change plein de choses sur la place de la guitare puisque c’est la guitare principale que nous n’avions plus, ça change la place de chacun. Il a fallu digérer le départ. On a passé six mois sans avancer. Après, tout est allé de façon normale au niveau du timing.

6 albums en 15 ans, ça n’est pas tant que ça ! Et puis malgré le temps et les retours très positifs de gros médias, votre succès reste confidentiel. Vous le vivez comment ?
On préférerait que cela aille plus loin au niveau de la notoriété et du public, c’est le but de chaque album. On cherche ça mais par le biais de l’artistique, de ce que l’on produit musicalement.

Elle est peut-être là notre limite, on ne sait pas faire autre chose que de la musique, on ne sait pas forcément bien communiquer et formater notre musique.

On est assez mûrs et expérimentés pour faire de la contrainte quelque chose de productif, je n’ai pas peur de me perdre dans un truc qui ne serait pas nous mais je pense qu’on n’est pas capable de le faire. On sait vraiment pourquoi on fait de la musique, on cherche pas un succès grand public mais on cherche à grossir notre public tout le temps, à faire connaître notre musique parce que c’est quand même un plaisir d’avoir de plus en plus de monde dans les salles et de partager l’émotion que l’on met dans notre musique. Cet album est aussi un peu plus ambitieux par rapport à cet aspect, on fait plus de promo, on a fait un clip, on va en faire d’autres. On a décidé de mettre tout ça un peu plus en avant, chose que l’on n’avait encore jamais fait. On était concentrés sur la musique et puis derrière on ne savait pas trop comment faire pour aller plus loin. On a, jusqu’à aujourd’hui, touché un public de connaisseurs .

Tu dis que c’est l’album dont tu es le plus fier. Pourquoi ?
Oui. Parce qu’on a poussé le travail artistique plus loin que d’habitude. C’est une sorte d’aboutissement.

Cet album n’est pas loin d’être le mieux de ce que l’on peut faire aujourd’hui.

D’où le titre aussi… On sait que cet album va nous nourrir pour la suite, pour aller voir ailleurs musicalement. On est tous contents de ce disque, des chansons.

Vous avez joué en octobre dernier à l’Ubu, vous faites votre release party le 2 mars prochain au 1988. Qu’est-ce qui va différencier ces deux dates ?
Le 12 octobre dernier, c’était l’envie de monter sur scène pour présenter les nouveaux morceaux, pour tester la setlist à la maison. La sortie de l’album se fera donc au 1988 Live Club et à la Maroquinerie la veille à Paris avec The Last Morning Soundtrack en première partie. A rennes, on ne sait pas encore mais c’est en cours.

Ma dernière question concerne la scène rennaise. Peux-tu me parler de ton dernier coups de coeur rennais ou de groupes rennais que tu écoutes particulièrement ?
Il y en a tellement ! J’aime bien plein de trucs différents, c’est ça que j’aime à Rennes ! J’aime beaucoup The Decline ! qui font du punk assez puissant que j’adore vraiment. Je trouve que ça fait du bien parce que c’est pas du tout dans l’air du temps, c’est viscéral et j’adore ça. Dans un autre style, j’adore aussi Her, Totorro. J’aime beaucoup Coupe Colonel aussi, dans le genre rock influences africaines avec de la chanson française, c’est improbable mais ça fonctionne hyper bien. J’en oublie plein.

La scène rennaise est vraiment la scène la plus vivace de France !

Mon dernier coup de coeur rennais c’est sur une seule chanson, celle de Praa, la chanson est superbe, c’est très prometteur.

Merci Pierre-Vital

Propos recueillis par Cath
Crédit photo : Laurent Guizard

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