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Fragments, un appel au voyage et à l’intime

La musique aérienne et onirique de Fragments appelle au voyage, à l’intime. Leur 1er album «Imaginary Seas», sorti le 5 février dernier, est un appel à l’évasion, à la tendresse, un moment suspendu, une impression de lévitation, un grand bol d’air, d’oxygénation qui donne des envies de périple dans le Grand Nord.

Gagnez vos places pour le concert de Fragments à l’Antipode le jeudi 3 mars dans le cadre du festival Les Embellies, à la fin de cette interview.

Rencontre avec Sylvain.

On va commencer par les présentations. Qui fait quoi dans le groupe ?
Fragments c’est un trio. Il y a Benjamin qui s’occupe des machines, de la basse et de la guitare. Tom joue de la guitare et de quelques percussions. Et moi, je fais la batterie et les claviers.

C’est la musique de Nils Frahm qui vous a donné envie de faire ce projet musical ?
Je le cite souvent car c’est un artiste pour qui j’ai eu un gros coup de cœur, surtout avec son album Felt que m’a fait découvrir Benjamin. Je n’écoutais pas du tout de musique instrumentale au début et j’ai adoré cet album, ce piano solo, ce son cotonneux. C’est au même moment que Benjamin et moi pensions bosser ensemble. C’est pour cela que je cite souvent Nils Frahm, il a été un déclencheur pour le projet Fragments. Nous aussi on voulait faire quelque chose d’un peu intimiste comme il le fait si bien, avec de l’électro en plus.

Au début, vous vouliez quelque chose d’intimiste, piano-électro. C’est Tom qui a amené le côté plus rock du trio ?
Cela s’est fait plus ou moins comme cela effectivement. Quand on a commencé avec Benjamin, c’était un projet destiné au studio, composer nos chansons, les mettre sur le net. En aucun cas, on pensait faire du live au début et on pensait même que c’était pas une musique de live. Quand on a mis nos morceaux sur le net, les gens nous ont fait des retours positifs et nous on fait comprendre qu’il serait bon de transformer tout ça sur scène. On a suivi les conseils et essayé à deux. On trouvait que cela ne marchait pas forcément, qu’il manquait quelque chose. On a donc recruté Tom. On a voulu transformer notre projet intimiste en quelque chose de plus scénique. L’intime sur scène, c’est toujours compliqué. On a donc rajouté des guitares, on a allongé certains morceaux comme « Off the map » qui a une partie un peu plus post-rock. C’est comme cela que tout a commencé.

Dès que vous avez partagé vos premiers morceaux sur les réseaux sociaux, les critiques ont tout de suite été bonnes. Vous avez sorti votre premier EP Landscapes et tout est allé très vite !

On connaissait du monde dans le milieu musical rennais, on a pu faire écouter nos morceaux à certains programmateurs. Tout le monde nous a encouragé et on n’avait rien à perdre. C’est comme tout, on l’a fait parce que cela nous plaisait et on se retrouve à faire de la scène et à sortir un album aujourd’hui. On l’a fait sans prétention, sans avoir d’ambition particulière.

Vous puisez principalement vos influences dans la musique nordique ? Il y a comme un air de Sigur Ros dans votre univers. Je me trompe ?
Sigur Ros, c’est un artiste qu’on écoute tous les trois. Je ne suis pas le mieux placé pour parler des influences car je n’écoute pas beaucoup de musique. J’en fait beaucoup, du coup pour me détendre je fais autre chose. Mais oui, clairement, on a été influencé par Sigur Ros. C’est celui qu’on cite le plus parce qu’il est connu. Mais il y a aussi The Album Leaf, Saycet, The Postal Service, Nils Frahm forcément, Olafur Arnalds, Apparat. On est influencés par tous ces artistes. Cette musique nordique génère chez nous des images, des paysages, c’est super inspirant.

Imaginary Seas est effectivement un véritable appel au voyage tant par le son que par les titres. Vous parlez d’océans, de marins, de lacs, de phares, d’îles à la dérive…
C’est pas quelque chose qu’on a travaillé. Les titres ne sont pas très obligatoires dans ce genre de musique. Mais on est allés vers quelque chose de maritime. Quand on a cherché le nom de l’album, cela s’est imposé avec tous ces titres. Et puis, on cherchait quelque chose de poétique, quelque chose qui peut emmener, qui peut apporter d’autres images. Par exemple, le premier titre qui a été composé pour cet album c’est « Island Adrift ». C’est un des titres qui représente le mieux le côté poétique. C’est une sorte de voyage mais un peu hors du temps, hors du monde. On essaie d’emmener les gens ailleurs, si cela peut marcher tant mieux.

Comment vous composez ? A distance ? Cela a un rapport avec votre nom ? Vous faites chacun votre « bout » de musique et vous mettez ensuite tout en commun ? Vous fragmentez pour réunir et construire ensuite ?
Tu crois pas si bien dire ! C’était compliqué de trouver un nom pour notre groupe. Quand on a trouvé le nom Fragments, on trouvait qu’il y avait quelque chose de poétique dans ce nom, et en même temps, cela révélait exactement notre façon de travailler. On travaille avec un ordinateur, Benjamin cherche des bouts de rythmiques, des fragments, et ensuite on les met les uns derrière les autres pour faire un morceau. C’est pareil pour les parties de piano. Le nom Fragments c’est donc imposé. La composition reste un petit peu fragmentée. On n’a pas une façon classique de composer dans le sens où on va d’abord composer derrière un ordinateur parce qu’on a besoin d’avoir de l’électro, une certaine production avant de pouvoir travailler les structures. Il faut d’abord poser l’ambiance. Généralement, l’un d’entre nous propose une idée, il l’envoie aux autres. Les autres développent, trouvent d’autres idées, changent des choses. On se retrouve ensuite en répétition et c’est à ce moment qu’on développe pour le live.

Vous utilisez des techniques artisanales. Certaines parties rythmiques sont réalisées à partir d’un vieux radiateur, du bruit de vos pas dans des feuilles mortes, de marteau. Comment vous trouvez tous ces sons ?
C’est Benjamin qui enregistre tout ces sons. Il a un zoom enregistreur avec lequel il peut enregistrer tout ce qu’il veut. Au début, on avait tendance à aller beaucoup en forêt pour enregistrer des sons. Il aime ensuite les triturer dans tous les sens donc on finit par ne plus entendre que ce sont des bruits de pas dans l’herbe. On finit par transformer un son de branche que l’on casse en rythmique. C’est d’ailleurs quelque chose qu’on faisait plus au début que maintenant. Mais on met toujours dans nos morceaux des petits « trucs » vrais, des choses enregistrées, des sons uniques.

Vous composez une musique sensible qui nous parle alors qu’il n’y a pas de voix. Comment faites-vous pour réussir à faire passer quelque chose juste avec des sons ? Quand j’écoute votre album, j’ai des images qui me viennent alors qu’il n’y a pas de parole pour me guider.
C’est un exercice différent, c’est un exercice de style de composer de la musique instrumentale en essayant de ne pas générer de l’ennui chez l’auditeur. On galère c’est très compliqué ! Je ne saurais pas trop te répondre en fait. C’est un peu magique tout ça ! C’est peut-être l’alliance de nous trois aussi, les sons utilisés, les ambiances, les reverbes, c’est important d’amener l’auditeur dans une ambiance mais c’est compliqué de répondre à cette question…

L’avantage c’est que ça peut être écouté par tout le monde. Tout comme votre nom, il est exportable. C’est voulu ? Une envie de carrière internationale ?
C’est important de pouvoir traverser les frontières. Quand on a cherché le nom du groupe, c’était quelque chose d’impératif de trouver un nom qui pouvait être compris à la fois en français et en anglais. Même si c’est une musique qui est assez rare en France, il y a plein de groupes comme nous dans le monde. On avait une volonté de s’exporter. Quand tu montes un projet comme celui-ci tu te dis que tu as la possibilité d’être écouté ailleurs qu’en France. Mais c’est tout le contraire qui s’est passé. On s’est retrouvé à être dans une niche puisqu’il y a très peu de groupes en Bretagne et en France à faire ce genre de musique. Cela a donc généré de l’intérêt chez certains programmateurs.

Parallèlement à Fragments, vous êtes chacun dans des projets totalement différents. F-Hyro, The Last Morning Soundtrack et Plëyad. C’est un besoin pour vous de faire autre chose ?
C’est un besoin, des envies. C’est un peu frustrant de n’avoir qu’un seul projet. En tant que musiciens, on a envie d’explorer plein de choses. Quand on a commencé avec Benjamin à parler de ce projet, on était tous les deux arrivés à des culs-de-sac artistiques, professionnels. On avait envie d’autre chose, d’électronica. Cela a fait aussi du bien à tous nos autres projets. Je crois qu’on a besoin de faire autre chose. On fait plein d’autres trucs différents et tout ce qu’on fait nous apporte quelque chose. On a tous deux projets qui fonctionnent, différents et complémentaires à la fois. Chaque projet nourrit l’autre. C’est important d’avoir plusieurs projets pour ne pas générer de frustrations.

D’ailleurs, ça n’est pas trop frustrant pour toi de ne pas chanter ?
Pas du tout ! Quand on a monté le projet, j’ai tout de suite dit à Benjamin que je ne voulais pas chanter. J’en avais marre d’écrire des textes, je n’étais plus inspiré. C’était à l’époque où je sortais du premier album de The Last Morning Soundtrack, je n’avais plus envie d’écrire des textes. J’avais besoin d’aller vers d’autres sons, vers un autre univers. Finalement, on a formé Fragments, on a composé nos morceaux et tous les morceaux du deuxième album de The Last Morning Soundtrack sont venus dans la foulée. Je ne peux pas écrire des textes pour les deux projets, cela ferait beaucoup. Même si la musique instrumentale est un exercice difficile, je suis super content de na pas avoir de textes à écrire. Même sur scène cela change des choses. Le statut de chanteur est difficile, dans deux projets c’est compliqué, tu es toujours en front end. Pour Fragments, c’est différent, on est tous les trois sur scène, pas de leader. Cela fait du bien de ne pas avoir à chanter et d’être derrière un instrument que je connais bien (la batterie). Dans The Last Morning Soundtrack, je fais de la batterie, mais en studio pas sur scène.

Parlons de vos rencontres pour cet album.
Qui a fait l’artwork de votre album ? Il est magnifique.
C’est Elsa Quintin, du projet Pilot qu’on adore. Elle travaille tout en finesse, c’est pour cela qu’on a fait appel à elle et puis je la connais bien. L’artwork a été mis en couleur par Yoann Buffeteau qui fait notamment toutes les affiches des Embellies. Il avait aussi fait la pochette de mon premier album de The Last Morning Soundtrack. C’est un mec super talentueux. Il a réussi à sublimer le dessin d’Elsa qui était déjà magnifique. Elsa nous a fait le dessin en noir et blanc. On voulait un peu de folie, un truc graphique colorée. Yoann a apporté toutes ces couleurs, cette explosion. La combinaison des deux rend une pochette dont on est très fiers.

Vous pouvez me parler de Patchrock ? Comment s’est fait la rencontre ?
Je connaissais Stéphanie de Patchrock depuis un moment. Quand on a commencé à faire un peu de scène, on a eu envie de s’entourer. J’ai donc pensé à elle. Je lui ai fait écouter nos morceaux et elle a vraiment aimé dès le début. Elle nous a donc soutenu dès le début. C’est quelqu’un avec qui j’aime beaucoup travailler, on lui fait entièrement confiance. C’est très facile de travailler avec Amandine qui l’a rejoint dans Patchrock. C’est important d’être bien entouré.

Il y a d’autres personnes qui ont participé à la réussite de cet album que tu aimerais citer ?
Oui ! Il y a aussi Tanguy, notre manager et attaché de presse. Il faisait déjà la presse pour notre premier EP. Tu as toute l’équipe !

Venons-en à vos live qui font aussi l’unanimité.
L’association Electroni[k] vous avait permis en 2014 de faire une résidence à l’Antipode pour un futur live aux Champs Libres. C’était d’ailleurs votre première date rennaise. Qu’est-ce que cela vous a permis de travailler ? Il y en a eu d’autres ?
Cela s’est fait sur beaucoup de périodes. Electroni[k] nous a permis de faire nos premiers live, aux Champs Libres et au festival Maintenant. Electroni[k] a été l’impulsion. Ils ont été les premiers à nous soutenir. Après tout s’est enchaîné en terme de résidences. L’Antipode nous a aussi soutenu, le Manège de Lorient, l’Echonova à Vannes aussi. On a fait des résidences dans tous ces endroits. Sans Patchrock, cela aurait été compliqué de tout gérer. Pour la sortie de notre album, on a fait à nouveau des résidences à l’Antipode, au VIP à Saint-Nazaire, au 6Par4 à Laval. On a vraiment eu la chance de pouvoir bosser ce live dans d’excellentes conditions. On s’estime chanceux d’avoir pu le travailler comme cela. On n’est pas encore satisfait mais a priori cela fonctionne plutôt bien. On est encore en train de travailler la lumière, c’est un exercice pas très facile pour ce genre de musique. Cela demande beaucoup de temps, de réflexion pour savoir comment poser les lumières sur les morceaux.

Pour vos futurs live vous avez travaillé une scénographie ? Vous parliez il y a quelques années de l’aspect visuel de votre live. Vous en êtes où ?
On a commencé à travailler avec un collectif rennais qui s’appelle Grand-Géant en 2014. On était sur un truc un peu entre deux, pas vraiment au point. On a des pieds de lumières sur scène, synchronisés avec un ordinateur. Pendant plusieurs années, on ne savait pas quoi en faire, si on devait les garder ou pas. Aujourd’hui, on travaille avec Camille, un professionnel de la lumière. Il vient de Laval. Il a réussit à nous faire reprendre goût à notre scénographie. On avait un peu lâché cet aspect. Cela fonctionne vraiment bien maintenant avec lui. Il y a encore du travail mais c’est carrément mieux. Aux Embellies, on pourra voir ce travail sur notre live.

Vous avez déjà joué aux Inouïs du Printemps de Bourges en 2014, aux Transmusicales la même année, aux Vieilles Charrues en 2015 et au festival MaMA à la rentrée dernière. Tout cela avec seulement votre EP. Que peut-on vous souhaitez de plus avec votre album ?
C’est vrai que cela va être compliqué de faire plus. On a démarré très vite ! C’est bien de l’avoir fait avant notre album pour la visibilité auprès du public et des professionnels. C’est plus simple pour vendre un disque ensuite. Il faut maintenant qu’on arrive à transformer l’essai (rires, Sylvain ne fait jamais d’allusion au sport). C’est toute l’angoisse qu’on peut avoir aujourd’hui. Que faire pour aller au-delà ? Tous ces dispositifs qui sont là pour les jeunes groupes c’est super, cela te pousse. On a eu la chance de faire le Grand Chelem. Maintenant, il faudrait gagner le Fair, le prix Chorus ! On a fait déjà tellement de choses alors que c’était à l’origine un projet studio. On peut clairement s’estimer heureux de tout ce qu’on a fait aujourd’hui. On ne pensait déjà même pas sortir un disque ! La suite est compliquée. On peut augmenter le nombre de personnes qui nous suivent, vendre un peu plus de disques, mais on ne fait pas de « musique de buzz » et on n’en a pas envie. L’idée c’est de construire une œuvre qui se tient et qu’on aime défendre et ne pas aller vers la facilité.

D’ailleurs, vous avez fait de grandes scènes alors que je trouve votre musique intimiste. Vous ne préférez pas jouer dans des petites salles, en appartements ou dans des petits lieux insolites ?
On a fait les deux et on aime les deux ! C’est totalement opposé. On aime l’intimité, les lieux avec peu de gens, assis. On aime aussi les grandes scènes parce qu’on a justement réussi à y emmener de l’intime en mélangeant le côté planant et le post-rock. C’est donc chouette d’avoir des programmateurs qui prennent le risque de nous programmer sur des grosses scènes alors qu’il n’y a pas de chant.

Vous avez toute une série de dates à venir, dont les Embellies avec Louise Roam et le Badaboum à Paris avec Saycet. Pas mal ! Il y a d’autres dates ?
On va à Caen à la fin de la semaine. On joue ensuite à l’Echonova. Il y a d’autres dates qui vont être annoncées très bientôt. On va faire un live à FIP ! Ca suit son cours, maintenant il faut jouer et défendre l’album en live !

Merci Sylvain !

Propos recueillis par Cath
Crédit photo : Yoann Buffeteau

JEU
Rennes Musique et le festival Les Embellies vous proposent de gagner votre place pour le concert de Fragments.
Le jeudi 3 mars à 20h00 à l’Antipode Mjc.Pour cela, répondez à cette question :
Avec quel artiste les membres de Fragments partageront la scène du Badaboum à Paris ?

Pour jouer et tenter de gagner votre place, envoyez un mail à : catherine@rennesmusique.com en précisant vos nom, prénom, adresse et en indiquant «Jeu Fragments – Les Embellies» en objet du mail.
Attention : une seule participation par personne pourra être validée.

Un tirage au sort sera effectué parmi les participants ayant donné la bonne réponse. Les gagnants recevront un mail le mardi 1er mars.

Bonne chance !!!

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