Labels d’été #13 : Poch Records
Suite de notre saison 02 des labels rennais avec Patrice de Poch Records, plasticien, graphiste mais aussi créateur d’un label tourné vers la scène punk des années 80.
Episode 13 : rencontre avec Patrice Poch.
Comment et quand est née l’aventure de Poch Records ?
Pour mon travail de plasticien, je recherche des archives par rapport à mes peintures et mes pochoirs.
Au gré de mes recherches pour mon travail, il m’est souvent arrivé de tomber sur des enregistrements, des histoires de groupes qui n’ont pas pu sortir leurs disques.
Cela m’a donné l’idée de monter ce label. J’aime les vinyles, j’aime faire des pochettes de disques, j’aime rechercher des choses, tout cela me paraissait logique et faisait un vrai sens avec mon travail dans la rue. Tout a commencé lors de l’événement « Rennes 1981 » avec le groupe P.38 (groupe rennais de 79 à 83). Ils avaient eu quelqu’un qui les avait soutenus à l’époque et qui leur avait payé des enregistrements mais personne n’avait plus rien. J’ai essayé de retrouver les enregistrements qui auraient dû servir à un 45 tours à l’époque, j’ai retrouvé cette bande chez DB mais il existait aussi une autre démo qui avait été faite par un autre sonorisateur mais plus personne n’avait de traces. J’ai mis plusieurs mois à le retrouver, il vivait entre le Sud de la France et l’Algérie. Il devait venir sur Rennes mais malheureusement, en écoutant la cassette, il l’a détruite. On n’est donc partis sur des archives moins solides, celles que Jeff Gervin avait gardées. Avec tout ça on a réussi à faire cet album compilation de P.38.
Ta première sortie était donc avec un groupe qui n’existait plus. Pour ceux qui ne connaissent pas le label, c’est ta marque de fabrique ?
Je m’intéresse aux groupes qui n’existent plus ou qui n’ont pas eu la chance de sortir un vinyle. Je change un peu aujourd’hui mais oui je pars de ça effectivement.
C’est un peu compliqué de vendre des disques d’un groupe qui n’existe plus mais c’est un challenge et c’est ce qui me plaît de toute façon, de remettre ces groupes un peu dans la lumière.
Pour P.38, le groupe se reformait exceptionnellement pour « Rennes 1981 », une soirée à l’Ubu.
Qui est derrière Poch Records et comment sont répartis les rôles de chacun ? Tu es tout seul ?
Je suis tout seul ! Ca n’est pas mon activité majeure mais c’est quand même chronophage par moment. J’ai monté une association pour que ça soit indépendant de mon travail artistique, j’ai donc un trésorier, mais pour le reste je suis tout seul.
Comment tu choisis les artistes avec qui tu vas travailler étant donné qu’ils n’existent plus ?
Mes recherches d’archives pour mon boulot m’aident à trouver des groupes, à avoir des coups de cœur. Ce ne sont pas des groupes que j’ai vu en concert par exemple comme la plupart des labels.
Mon dernier coup de cœur, « Tchewsky & Wood » sort complètement des cases du label. Je les ai découverts en recherchant une première partie pour le concert de Marquis de Sade au Liberté.
Je suis allé les voir à un filage et j’ai tout de suite trouvé une filiation avec KaS Product dont je suis fan. Ils ont donc fait la première partie et quand ils ont sorti leur EP, j’ai trouvé dommage qu’ils ne le sortent pas en vinyle. On est finalement vite arrivés à la conclusion de sortir un album en vinyle.
Tu peux me parler de l’esthétisme du label, de sa philosophie ? Il est plutôt tourné vers le punk rock.
Oui, le fil rouge du label c’est le punk rock des années 80. Il y a une contrainte avec moi c’est que je fais systématiquement la pochette. Ca arrange certains groupes mais certains groupes travaillent déjà avec des graphistes. Le label est lié à mon travail de plasticien, j’aime faire les choses de A à Z.
Combien d’artistes sont au catalogue de Poch Records actuellement ?
J’ai douze vinyles dans mon catalogue : Tchewsky & Wood, H2S04, Vonn, Abuse, Heb Frueman, Mr Hyde, Contingent (2 vinyles), Fixator, Mixomatose, Les Animals et P.38.
Ton coup de cœur ? C’est une question difficile mais il y a parfois un disque qui a une histoire particulière.
Le dernier Tchewsky & Wood est important pour moi, c’est un groupe qui a de l’actualité, qui tourne, tout comme Abuse, qui prépare son prochain album. Il y a aussi le groupe bruxellois Contingent qui est très important pour moi. Ce projet a été très long à mettre en place car ils n’étaient pas intéressés de ressortir les enregistrements de 1981, qui n’avaient jamais été édités nulle part. A force de se voir et de comprendre ma démarche, mon intérêt pour le punk rock, ils ont fini par dire oui.
Je suis super intéressé par la scène belge, j’ai d’ailleurs écrit un livre qui s’appelle Bloody Belgium.
Ce groupe est assez mythique, il s’est formé en 1979 et s’est arrêté en 1981, il n’y a qu’un 45 tours qui est sorti début 80. Le reste des enregistrements, un 45 tours et un album, est resté dans un coin pendant des années, j’ai sorti le 45 tours en 2014 et l’album en 2015. Ils se sont reformés en 2007. Ils réenregistrent à cette occasion les titres de 1981 avec certainement plus de maîtrise mais pour moi il était important de ressortir les enregistrements originaux qui débordent d’une énergie différente.
Quel est ton dernier coup de cœur que tu aimerais avoir chez Poch Records ?
Il y a Carambolage avec qui je suis en discussion.
On devrait sortir leur première démo avec des morceaux qui ne sont pas sur leur EP. Ils ont joué pour le vernissage de Bloody Belgium et j’avais trouvé leur musique et leur concert vraiment très bien.
Les groupes attendent souvent beaucoup des labels qui les signent. Peux-tu nous dire ce qu’un label comme Poch Records attend d’un groupe ?
Je n’attends rien de particulier. On s’entend dès le début et les groupes voient très bien que je ne suis pas intéressé par le business. De toute façon il n’y a pas de business à faire avec mes sorties.
Je n’attends qu’une chose des groupes c’est qu’ils se fassent plaisir, que leur retour ne soit pas pathétique, qu’il y ait une vraie démarche.
La plupart des groupes, même les plus anciens, j’ai réussi à les faire rejouer au moins pour une date unique.
Etre un label indépendant aujourd’hui c’est difficile ? Comment vois-tu l’avenir des labels comme Poch Records ?
Je continue au rythme du renflouage de chaque sortie. Quand il y a un peu d’argent qui rentre, je sors un nouveau disque. J’ai cinq ou six références à sortir prochainement, peut-être pas pour 2019. J’aimerais en sortir quelques-unes cette année, comme Nicolas Cruel qui est un groupe de Brest. J’ai récupéré les enregistrements de 76 à 78.
Je fais mes trucs dans mon coin, je ne me soucie pas des gros labels.
Poch Records sort les albums uniquement sur vinyle alors ?
Oui uniquement vinyle !
Selon toi, qu’est-ce qui fait un bon groupe aujourd’hui ? Qu’est-ce que tu penses de la scène musicale actuelle ?
Il y a beaucoup de choses bien aujourd’hui, il y a une grosse émulation, des facilités qu’il n’y avait pas avant.
Je sors des disques qui n’ont pas pu voir le jour à l’époque, c’était beaucoup plus compliqué de faire des concerts, de pouvoir enregistrer.
Aujourd’hui, tu peux enregistrer chez toi et faire des sons de très bonne qualité, très facilement. De ce fait, il y a une multitude de groupes et un choix très large dans plein de styles musicaux. C’est intéressant mais il peut aussi y avoir une saturation dans certains styles mais tant que les gens sont motivés et qu’ils ont envie de faire des choses, qu’ils le fassent !
Et la scène rennaise ?
Il y a plein de choses qui me plaisent à Rennes. Je pense forcément à Carambolage qui est un chouette projet. Il y a tellement de choses que ça n’est pas facile de citer des noms !
Le dernier album de Bikini Gorge m’a beaucoup plu et je viens d’écouter la prochaine sortie de The Bad News qui est vraiment super bien.
Quelle sera la prochaine sortie de Poch Records ?
Ca sera sûrement Mad Birds de Montpellier, dans lequel on retrouve le guitariste de Vonn !
Merci Patrice.
Propos recueillis par Cath
Crédit photos : Gildas Raffenel et Yann Peucat
Site de Poch Records : http://poch-records.com