Labels d’été #03 : In My Bed
Après notre série « Comptoirs d’été », nous vous proposons de découvrir les labels rennais pendant cette trêve estivale, et les personnes qui se cachent derrière. Ces labels qui nous font découvrir des artistes, et qui organisent des concerts toute l’année dans notre ville.
Episode 03 : rencontre avec Matthieu Cozanet de In My Bed.
Comment et quand est née l’aventure de In My Bed ?
Le label est né en 2009 autour d’un groupe dans lequel je joue qui s’appelle Formica. A l’époque, avec Formica, on avait fait un enregistrement dont on était assez contents et qui méritait selon nous de sortir sur disque.
Pour Formica, on avait sollicité plusieurs labels avec un texte amusant qui disait : « si vous ne le sortez pas, on le fera nous-mêmes ». C’est ce que nous avons fait et c’est ce qui a lancé le label.
C’était le moment de sortir le disque en vinyle, en 2009 le CD commençait à chuter. On était aussi branchés livres, BD, auto-édition. A l’époque on voyait pas mal de labels qui sortaient un album et puis c’est tout, donc on s’était dit qu’on allait sortir deux trucs d’un coup pour bien lancer la machine. On a donc sorti le disque de Formica et un livre d’une dessinatrice qui s’appelle Nine Antico. A l’époque elle faisait des croquis de concerts. On a donc sorti les deux ensemble.
Qui est derrière In My Bed et comment sont répartis les rôles de chacun ?
On n’est moins nombreux aujourd’hui, on n’est plus que 3. Le président est un artiste sous le nom de Prosperi Buri. Il fait de la musique et de la BD sous ce nom. Pour le label, il s’occupe beaucoup des maquettes même si on travaille aussi avec Sébastien Lumineau. Moi je m’occupe pas mal de la fabrication et Lilian Attorresi s’occupe des aspects numériques. On est vinyles et papiers mais on met toujours les albums à disposition sur le numérique en téléchargement.
Comment vous choisissez les artistes avec qui vous allez travailler ? Comment repérez-vous les artistes ?
En disque, on ne travaille qu’avec des gens qu’on connaît personnellement, la plupart du temps, ce sont des amis, comme Santa Cruz, Moller Plesset.
Pour les livres, ça nous arrive qu’on nous fasse des propositions venant de l’extérieur ou qu’on sollicite des artistes qu’on ne connaît pas. Tout cela reste quand même très rennais, particulièrement pour les disques.
In My Bed reçoit beaucoup de démos ?
On en reçoit un peu. On ne sort pas énormement de choses, environ 2 sorties par an. On est sollicités quand on sort des choses. On se débrouille pas mal pour faire parler de nos sorties dans la presse, on a des chroniques donc les gens nous relancent dans ces moments là. On est obligés de répondre non.
Sortir un disque de son propre groupe c’est pas simple, sortir un disque d’un groupe d’amis c’est un peu plus compliqué et sortir un disque d’un groupe qu’on ne connaît pas, c’est un pas qu’on n’a pas encore franchi et je ne sais même pas si on en a envie.
Est-ce qu’il y a des critères de choix artistiques pour pouvoir signer chez In My Bed ? C’est quoi la philosophie du label ?
On est plutôt branchés sur la guitare, on n’est pas trop musique électronique. Ca peut être de la guitare en version pop, folk, noise, en acoustique, en électrique, très bruyante. C’est un peu notre critère.
Combien d’artistes sont signés chez In My Bed actuellement ?
On a 21 références au catalogue. En disques, on a sorti Formica, Prosperi Buri, Moller Plesset, Santa Cruz, My Sleeping Doll et bientôt Thomas Le Corre. En livres, on travaille avec Prosperi Buri aussi, Sébastien Lumineau, Philippe Dumez et Nine Antico. Je crois que ça fait le compte.
Ton coup de cœur chez In My Bed ? C’est une question difficile…
Oui c’est une question difficile puisqu’il y a des groupes dans lesquels je joue donc je peux avoir tendance à bien les aimer. Il y a aussi souvent les derniers en dates qui sont les préférés et souvent meilleurs que les précédents comme les albums de Formica. Le 3ème est meilleur que le 1er mais moins bon que le 4ème qui sortira l’année prochaine. Le dernier Moller Plesset sorti à l’automne est très réussi, celui de My Sleeping Doll est super beau. Au niveau des bouquins, on a sorti une biographie des Doors qui s’appelle « Les portes ». L’objet est très beau.
Quel est ton dernier coup de cœur que tu aimerais avoir chez In My Bed ?
Je n’écoute pas beaucoup de nouveautés hormis les nouveautés de groupes que je suis depuis longtemps.
J’adore Parquet Courts, c’est le genre de musique qui aurait sa place sur In My Bed.
Et puis il y a un des membre du groupe qui est illustrateur, ils font donc des livres-disques qui sont très beaux et qui collent complètement à notre idée.
Et d’ailleurs, pourquoi ce nom ?
L’origine du nom est complètement débile comme souvent. Un soir où on avait trop abusé d’alcool il y en a un qui a passé un morceau de Gainsbourg, un inédit de son live au zénith, le pire disque de Gainsbourg d’ailleurs. La chanson s’appelle « You but not you » et il dit « in my bed » dans la chanson. Une phrase bien salace et crade que je ne citerai pas. C’était tellement ridicule qu’on se la répétait, c’était devenu une espèce de gimmick et c’est venu tout simplement et logiquement quand on a dû chercher un nom pour notre label. Et puis, on est un peu feignants, ça sonnait bien avec la paresse et ça donne quelque chose de chaleureux finalement, de « chez soi ».
Les groupes attendent souvent beaucoup des labels qui les signent. Peux-tu nous dire ce qu’un label comme In My Bed attend d’un groupe ?
On a peu de disques de groupes qui tournent beaucoup donc on attend d’eux qu’ils fassent au moins une soirée de lancement pour le disque et qu’ils organisent une petite tournée ensuite. Une date sur Paris, c’est bien, ça fait parler du disque, ça fait vendre, ça permet d’avoir des articles dans la presse mais la réalité est compliquée sur Paris et les lieux ferment comme la Mécanique Ondulatoire.
Les conditions d’accueil sur Paris ne sont pas forcément extras, les conditions rennaises sont bien meilleures.
Etre un label indépendant aujourd’hui c’est difficile ? Comment vois-tu l’avenir des labels comme In My Bed ?
Chez nous, le modèle économique est relativement simple. On rentabilise une sortie avant de faire la suivante d’où le fait de ne faire que 2 sorties par an. L’avenir on le voit comme les années précédentes, on continue sur le même rythme.
Tant qu’il y aura des librairies indépendantes pour proposer nos livres, des disquaires indépendants pour proposer nos disques, et des lieux pour faire des soirées de lancement, les choses iront comme il faut.
Il faut que cette petite chaîne se maintienne. Par exemple, Alphagraph était un gros point de vente pour nous, on a eu quelques succès éditoriaux grâce à Jérôme. Depuis qu’il a fermé, il n’y a pas un magasin de BD qui a pris le relais. Il y a Blind Spot qui a développé un petit rayon de BD ce qui nous sauve un peu. Pour faire un peu de pub, on trouve nos disques chez Blind Spot, Rockin’ Bones et It’s Only et nos livres chez Blind Spot et M’enfin ?!.
Tu en as déjà parlé mais sur quels supports vous sortez les albums ? Uniquement en vinyle ?
Oui, uniquement en vinyle avec un coupon de téléchargement. Notre slogan est « Vinyl & paper ». On fait une concession à la modernité avec le coupon. En plus des morceaux en haute définition, il y a la maquette pour le CD téléchargeable en PDF.
Sur le coupon de téléchargement, il est écrit : « si vous voulez un CD, faites-le vous-mêmes ».
Selon toi, qu’est-ce qui fait un bon groupe aujourd’hui ? Qu’est-ce que tu penses de la scène musicale actuelle ?
Il y a plein de bons groupes mais je suis très difficile, je vois d’abord les défauts et je focalise dessus. J’aime bien quand les choses sont naturelles, quand tout n’est pas calculé. On a tous la quarantaine donc c’est normal de ne pas avoir la même approche musicale avec des gamins de 20 ans qui ont envie de tout casser et qui se donnent les moyens de le faire. Le monde de la musique a beaucoup évolué, tu peux peut-être vivre de tes disques aujourd’hui. A notre époque, la professionnalisation était inenvisageable, l’intermittence n’existait pas, il n’y avait pas de formations. Je travaille au conservatoire où il y a une section pour former des rockeurs professionnels ! C’est bien tout ça, mais je préfère les choses authentiques.
Et la scène rennaise ?
C’est difficile, je suis trop dedans pour avoir un avis. Après, il se passe plein de choses, il y a plein d’associations qui se bougent pour organiser des concerts. On est assez proches de Kfuel qui font venir des groupes chouettes, qui font venir du monde sur leurs soirées. Il y a des modes qui ne me parlent pas trop comme le garage ou le math rock, ils sont trop lookés ou leur musique est trop compliquée. On est un peu au milieu, j’aime les chansons avec un refrain et je suis plus touché par l’attitude.
Quelle sera la prochaine sortie de In My Bed ?
On vient de finir l’enregistrement du disque de Thomas Le Corre, qui est le guitariste de Moller Plesset.
C’est un disque de guitare acoustique solo enregistré à la Chapelle du Conservatoire par Thomas Poli. Il sortira sûrement à la rentrée. On sortira aussi à la rentrée une BD de Prosperi Buri sur le Velvet Underground.
Merci Matthieu.
Propos recueillis par Cath
Crédit photos : Politistution
Pour suivre l’actualité de In My Bed : https://www.inmybedmusic.com/