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Mathieu Boogaerts : « il suffit de pas grand chose pour faire de belles chansons ».

« Promeneur », le 7ème album de Mathieu Boogaerts est sorti le 4 novembre dernier. Après un concert à Mythos ponctué par le son des cloches et de la pluie, Mathieu nous a reçu pour discuter de son travail, de son parcours, de sa vision de la vie et de la musique.

Rencontre avec Mathieu.

Tout d’abord, bravo Mathieu, ce concert était vraiment bien ! Tu as vraiment l’air super à l’aise sur scène, tu es drôle, tu rebondis facilement malgré les conditions (cloches, forte pluie).
A 18h, il y avait une lumière qui faisait que je voyais les visages des gens, ce qui est rarement le cas. J’ai vu plein de visages bienveillants, cela m’a mis dans de bonnes ondes. Le stress c’est quand je n’arrive pas à vivre le moment présent, à être dans le plaisir et ça arrive. Il y a des concerts où je m’ennuie et c’est la faute à personne, peut-être parce que j’ai suffisamment joui la veille, donc deux jours à suivre c’est compliqué, je ne sais pas, il n ‘y a pas de règles. Après j’ai assez d’expériences aujourd’hui pour faire un concert sans que les gens se rendent compte de mon niveau de stress. J’essaie de me conditionner à vivre l’instant présent, à vivre le son, le concert. Ce soir c’était les cloches, la pluie ! Ca stimule ce genre de moments non prévus, j’aime bien quand ça arrive. Bon, après les cloches c’était trop long pour moi. Au début je trouvais ça chouette, on a changé la tonalité d’un morceau pour être dessus, mais ça ne s’arrêtait pas et musicalement au bout d’un moment ça ne marche plus.

Tu as un répertoire suffisamment riche pour trouver une chanson pour chaque condition comme celle de la pluie !
Oui j’ai une chanson sur la pluie ! Ca nous a fait une chanson en plus pour ce soir !

Tu as commencé la musique à l’âge de 10 ans en apprenant seul avec un orgue électronique. À 18 ans tu arrêtes l’école, tu t’achètes un magnétophone et c’est à partir de là que commence ta carrière. Ca ressemblait à quoi Mathieu Boogaerts au début ?
Mon père était brocanteur et était tombé sur un orgue. Il l’avait acheté pour ma mère qui avait fait du piano plus jeune. Cet orgue ne m’était donc pas destiné mais il est devenu très vite mon nouveau jouet. Mes potes allaient jouer au foot pendant que moi j’étais sur mon clavier. Je n’ai jamais pris de cours, j’ai toujours eu un rapport très ludique à la musique. J’ai commencé à écrire des chansons un peu après en rêvant d’être chanteur plus tard mais sans vraiment y croire. J’étais conscient que c’était un rêve d’adolescent.

A 16 ans, j’ai rencontré Matthieu Chedid et d’un coup j’ai eu accès à une famille dont c’était le métier du père. C’est là que je me suis dit : « pourquoi pas moi ? ».

Ce sont des gens charmants, très généreux. Ils ne m’ont pas forcément aidé dans le sens « piston » mais ils m’ont montré que cela était possible. Après est-ce que cela était déjà du Boogaerts ? Mais qu’est-ce que du Boogaerts en même temps ? J’ai quand même envie de te répondre « oui ». J’ai toujours été autodidacte, je n’ai jamais fait de reprise, j’ai toujours inventé, j’ai dû donc développer assez vite un truc personnel qui évolue avec le temps. Je ne me suis jamais posé la question de mon style, de le trouver. Ton style tu l’as ou tu l’as pas.

Alors tu l’as ?
Pour quelqu’un qui ne connaît pas ce que je fais, ce qui est le cas pour la plupart des gens, je dis que je fais de la chanson, je me sens vraiment chansonnier. C’est plutôt tendre, poétique et, j’espère, moderne.

Tu joues de plusieurs instruments, pourquoi tu as choisi la guitare ? Pour son côté pratique ?
Exactement ! Si je me retrouve devant une vitrine d’un magasin de musique, je vais avoir envie de jouer de la batterie devant la batterie et du piano devant le piano, il n’y a pas un instrument qui va m’attirer plus qu’un autre. Mais la guitare c’est pratique, tu peux faire du rythme, tu peux tout faire. Ca n’est pas pour rien que c’est à l’origine de plein de musiques traditionnelles car beaucoup de gens ont pu avoir une guitare dans leur sac à dos, c’est plus pratique qu’un piano à queue.

Ta voix est vraiment au centre de ta musique puisque celle-ci est très épurée.
En tant qu’auteur-compositeur-interprète, la voix est mon personnage principal. Plus elle a d’espace pour s’exprimer et plus il y a de nuances possibles. Ma voix a une palette d’expression plus grande quand il n’y a qu’une guitare par rapport à des morceaux avec une basse et une batterie en plus. C’est d’ailleurs pour cela que je travaille de moins en moins avec des basses-batteries. J’adore ça mais je m’aperçois que je raconte moins de choses, que je fais moins passer le propos initial de la chanson.

En guitare-voix, quand il y a une phrase importante, je sous-joue la guitare, je gère mon équilibre plus facilement.

Promeneur est sorti le 4 novembre dernier et encore une fois pour cet album, tu es parti loin. Tu t’es rendu en Ouzbékistan, au Kirghizistan, etc. Cela a influencé ta composition ? Tu te nourris de ces voyages ou c’est juste pour partir loin et t’isoler ?
C’est tout à fait ça.

Je ne pars pas du tout pour être influencé, même si je le suis forcément. A un moment donné, les musiques, les chants que j’entends pendant mes voyages doivent ressortir mais je ne sais pas comment.

Je vais surtout loin pour être tout seul, isolé et n’avoir rien d’autre à faire, aucun engagement, aucun rendez-vous. Je pars en mission, je travaille 18h par jour quand je pars, je ne fais que ça. Je commence déjà à bosser dès le réveil et jusqu’au soir. J’adore, ce sont des moment intenses, très chargés en émotion. Au bout de 15 jours, 3 semaines, je suis sûr de revenir avec quelque chose qui tient la route. Je pars avec 10%, je reviens avec 34%, pour repartir et revenir à 62%.

On parle de solitude. Tu travailles tout seul depuis le début pour tes albums mais tu dois bien avoir du monde avec toi non ? On a vu ce soir que tu t’étais entouré d’un compagnon de scène. Tu t’es entouré de qui pour cet album ?
Sur cet album, j’ai tout joué seul. Une alto et une violoniste sont venues pour quelques chansons et deux choristes. Globalement, sur les centaines de concerts que j’ai fait, quand j’ai été accompagné, j’ai toujours été accompagné par les mêmes musiciens à savoir mon bassiste Zaf Zapha, avec qui j’ai dû faire 500 concerts, et mon batteur de jazz qui s’appelle Fabrice Moreau. Ce sont les deux musiciens qui m’ont le plus suivis. Pour cette tournée, j’avais envie de me mettre en danger, si on peut dire ça comme ça, j’ai donc rencontré ce génie qui s’appelle Vincent Mougel.

Tu as une voix douce et calme malgré des sujets qui peuvent être simples mais aussi graves. Tu chantes tout doucement. Tu poses beaucoup de questions sans y répondre à chaque fois, tu dis que la seule chose que tu sais c’est que tu ne sais pas. C’est pour essayer de relativiser ou le monde est pour toi trop compliqué ?
Pourquoi ce sont ces propos que je formule et que j’ai envie de dire plutôt que d’autres ? Je n’en ai aucune idée, et je n’ai aucune raison. C’est comme ça que ça sort. Je m’aperçois à posteriori qu’il y a des questions dans toutes mes chansons. Si tu me donnes un piano, je vais sortir une première phrase comme ça, un premier jet très spontané. Cela reflète forcément ce que je suis. J’ai un rapport très relatif à ce monde.

Des fois je me sens beau, des fois je me sens moche, des fois je me sens fort, des fois je me sens faible, j’ai des fois l’impression de savoir et des fois l’impression de ne pas savoir, je me sens des fois victime, des fois bourreau. Je ne sais pas…

Après les attentats, tu as écris une chanson qui dit « toi, pourquoi tu es méchant ? ». Tu fais passer des sujets forts avec des mots simples, on peut même dire enfantins et cela fonctionne ! Tu écris comment ? En ne cherchant pas ?
Je travaille énormément mes textes, des centaines d’heures. J’essaie d’aller vers une pureté, un texte qui paraît simple, un texte où les gens ce disent : « ah mais oui, il fallait y penser ». Si j’étais designer, je dessinerais des meubles super confortables, super purs et super faciles à construire et si possible intemporels et si possible adaptables à tous les temps. Cette recherche passe par des centaines et des centaines d’heures à enlever, rajouter.

Tant que je ne trouve pas cette formule qui m’apparaît la bonne, la plus juste et la plus précise, je n’assume pas de la chanter sur scène. Pour arriver sur scène confiant, il faut que j’arrive 100% en phase avec ce que je vais vous chanter.

Avant d’arriver à ce taux de satisfaction, il me faut beaucoup de temps. Le premier jet c’est juste 20% de la chanson.

Tu dis : « je ne sais pas pourquoi je fais de la musique plutôt qu’autre chose et je ne sais pas pourquoi je fais cette musique plutôt qu’une autre. » Tu ne sais vraiment pas pourquoi ? Tu as peut-être juste envie de dire des choses ?
Quand tu vas dans un magasin, tu as 4 pulls, un rouge, un bleu, un jaune et un vert. Tu vas naturellement tendre vers le jaune mais sans savoir pourquoi, juste peut-être parce qu’il te va bien dans la glace mais tu ne sais pas pourquoi c’est celui là. Moi, je ne sais pas pourquoi ce sont ces mots qui me viennent, pourquoi ce sont ces sons que je choisis, pourquoi j’aime cet accord et pas celui-là.

Après, j’ai quand même des hypothèses, j’ai peut-être manqué d’écoute pendant mon enfance.

C’est peut-être pour ça que j’ai eu besoin de m’exprimer mais je n’en suis pas sûr et je veux peut-être pas savoir pourquoi je fais ça.

Pour ce nouvel album c’est la première fois que tu commences par enregistrer la guitare/voix en live tout simplement et ensuite tu as rajouté des petits effets, il n’y a même pas de batterie. Pourquoi tu l’as fait comme ça ? Tu voulais un album qui sonne exactement comme sur scène ? Dans « I Love you » en 2008 tu as commencé par la batterie avant d’aller chercher des lignes de chant.
Ce disque je l’ai vraiment fait très très seul. Je l’ai enregistré sans batterie, guitare-voix en toute simplicité, en version « feu de camps ». Une fois que j’avais la bonne version de chacune des chansons, j’ai commencé à mettre un peu d’arrangements. J’ai fait ce disque comme cela.

En fait, j’ai fait beaucoup de concerts guitare-voix ces dernières années et je m’y sentais de plus en plus à l’aise. C’était pour moi le bon moment de mettre ça sur bande.

Et je me suis auto-infligé cette contrainte pour faire cet album pour me booster, me motiver, avec un but.

Tu ne trouves pas cela injuste de ne toujours pas rencontrer plus de succès malgré la beauté de tes albums ?
Ca me fait un peu chier, j’aimerais bien être plus populaire, que les mamies dans des bals reprennent mes chansons. Mes chansons, à la base, elles ont cette vocation.

Merci Mathieu.

Propos recueillis par Cath
Crédit photo : Thibaut Montamat

FESTIVAL MYTHOS
Tout savoir sur le festival Mythos :
http://www.festival-mythos.com/2017/

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