Comptoir d’été #10 : l’Aviation
Pendant la trêve estivale, rennes musique vous propose de découvrir ces bistrots rennais où les amateurs de bonne musique aiment traîner leurs oreilles. Ces bistrots où l’on aime découvrir des artistes, ces bistrots où l’on aime se retrouver autour d’une passion commune, ces bistrots où l’on se sent chez soi…
Episode 10 : rencontre avec Cyril de l’Aviation
Tu peux nous raconter l’histoire de l’Aviation ? Depuis combien de temps on vient écouter de la musique chez toi ?
L’histoire de mon bar ? C’était un bar qui allait fermer avant et personne n’en voulait. Je l’ai repris tout de suite pour éviter les frais supplémentaires en 2010. J’ai commencé tout seul. C’était super kitsh quand je l’ai repris ! Ca faisait baraque à frites sur le bord de la plage tu vois. J’ai tout changé sauf le bleu de mes murs. Et puis, il y a une cheminée, c’est ce qui m’a fait craquer sur le lieu. Au début, c’était un petit resto ouvrier, j’ai donc continué dans ce sens pour reprendre l’activité rapidement. Je fermais en tout début d’après-midi et je revenais le soir jusqu’à pas très tard au début et puis de plus en plus tard au fur et à mesure du temps. La cuisine c’est très dur physiquement. Ca tournait bien mais j’ai décidé d’arrêter pour des raisons de santé et cela devenait trop difficile. Les gens veulent du pas cher, du frais. Et puis les ouvriers, c’est une denrée qui se rarifie. Pour la musique, cela fait trois ans qu’on vient en écouter chez nous. Tout a commencé par des petits bœufs improbables. Les gens venaient jouer quand ils voulaient. J’ai laissé faire les clients. Je me suis dit : « qu’est-ce que mes clients aimeraient faire ? Qu’est-ce qu’ils n’ont pas ? Qu’est-ce qu’ils veulent de plus ? »
Ce sont les clients qui font l’endroit. La musique est donc venue dans mon bistrot simplement en écoutant mes clients, leurs envies et en les laissant faire.
Pourquoi ce nom ?
Il s’appelait déjà comme cela avant et quand je suis allé chez le notaire, je n’ai même pas pensé à changer de nom. Tout est allé tellement vite ! Et puis, le nom me plaît bien. En plus, j’ai eu la chance de piloter un peu.
On écoute quoi chez toi ? Il y a un style de musique bien particulier ?
J’aime tout ! Sauf le hardcore… Ici il y a de tout. J’aimerais bien faire du reggae aussi, mais la clientèle de ce genre de musique est plus compliquée à gérer. Il y a du très bon reggae. J’adore aussi l’électro mais je ne peux pas en faire ici. Au niveau du son, cela n’est pas jouable dans le quartier. Mes voisins ne seraient peut-être pas super contents. On essaie au maximum de faire de l’acoustique. En plus, c’est très qualitatif, cela montre le professionnalisme des musiciens et cela m’évite les ennuis dans le quartier.
Est-ce qu’il y a un concert qui t’a vraiment marqué ? Ton meilleur souvenir à l’Aviation ?
A chaque fois, je stresse, j’espère que cela va plaire, que le son ne va pas être trop fort. Si j’ai du plaisir dans la soirée, il va finalement être très court dans la durée. Avec Emilie, on essaie d’être très diverses dans la programmation. Il y a quelques temps, Yoann Minkoff est venu jouer ici. Son dernier album est une tuerie ! En début d’année aussi, un groupe de musique tzigane qui est venu chez nous, c’était énorme.
Un de mes voisins, qui fait de la guitare manouche est venu jouer deux fois ici à l’improviste. C’est très fédérateur comme style de musique. L’imprévu c’est ce qu’il y a de meilleur !
Qu’est-ce que ça t’apporte de tenir ce genre d’établissement ? Le/les plus par rapport à un bar classique ?
C’est une question qui résume mon arrivée ici il y a cinq ans. En premier lieu, j’aime ce qui est beau. Et ici, à part la couleur de la peinture, j’ai changé tout le reste. En second lieu, parce que tout petit, mes cousines m’emmenaient régulièrement au bistrot du quartier et j’en garde d’excellents souvenirs. Toute ma vie, je suis toujours allé boire mon café dans un bistrot de quartier avant d’aller travailler. Dans les années 90, tout cela a perdu de son âme, les bistrots n’apportaient plus grand chose, le service était dégueulasse. Et puis, cela a repris. En arrivant ici, j’ai voulu retrouver l’âme de quand j’étais petit. J’ai fait les brocantes et trouvé pleins d’objets pour décorer mon bistrot et le rendre joli et accueillant. La musique va avec tout cela, c’est un luxe ! Je peux me permettre d’accueillir des musiciens, de voir des concerts, de parler et échanger avec eux. Tout cela fait de la vie et cela permet de faire vivre mon bistrot. Il ne faut pas se voiler la face. Cela permet aussi de remplir la caisse et de nous sauver financièrement.
De toute façon, les gens veulent du spectacle ! Ici, le spectacle ne passera pas par la télévision, idée totalement insupportable, mais par la musique et les échanges.
Je l’avais fait pour une coupe du monde de football car c’est tout de même fédérateur et socialement, cela m’amuse. De toute façon, ne faire que bar, cela ne tiendrait pas. Ce qui fait que les gens s’arrêtent et viennent c’est le bon son. J’ai fait des soirées énormes ici, c’est génial ! Je fais aussi un marché de Noël, une animation pour la journée de la femme, des quizz, etc… J’essaie de faire des choses différentes. J’aimerais beaucoup développer des séances de cinéma ici. J’y pense !
Est-ce que tu participes à des festivals rennais ?
Oui, je participe au Petit Soufflet depuis deux ans. Une personne de l’équipe était venu chez moi un soir où était programmé The Summer Rebellion. Ils sont passés deux fois ici et ont été programmés dans ce festival. C’est comme cela que je me suis retrouvé au Petit Soufflet. Cela nous rend visible pendant le festival. Je participe à Culture Bar-Bars aussi. Enfin, je suis adhérent, je ne participe pas encore au festival qui a lieu fin novembre.
As-tu participé à l’essor de groupes rennais ? Des groupes qui auraient fait leur première scène chez toi ?
Je n’ai pas cette prétention ! A part peut-être les Summer Rebellion qui ont ensuite fait le Grand Soufflet et ont été diffusés sur pas mal de radios dont FIP.
Rencontres-tu des difficultés ici par rapport au voisinage ? Des plaintes à cause du bruit ?
Cela se passe bien parce que j’ai de la chance.
Au niveau des concerts, cela se passe bien car je fais attention à ce qui se passe dans la rue à la fin des concerts. J’essaie de ne pas trop polluer l’environnement, de laisser l’endroit propre.
Je fais super attention à tout cela. Il y a des voisins qui viennent prendre des verres ici, donc ils savent ce qui s’y passe. Cela ne dure pas très longtemps, pas plus de deux heures. J’essaie d’arrêter de bonne heure mais cela n’est pas toujours facile. Il n’y a pas pire que celui qui arrête la fête. Au maximum, on fait des concerts le vendredi pour ne pas trop embêter le voisinage.
Justement que penses-tu de la politique rennaise concernant les bars à concerts, les lieux culturels en général ?
Je viens de Paris. Quand j’ai débarqué sur Rennes, je me suis dit que je n’aurais pas le temps de m’ennuyer. Au niveau culturel, c’est fantastique ! Il y a tellement de bons musiciens ! Je ne suis pas embêté par des contrôles, des enquêtes ou autre alors qu’ils ont toute la liberté de le faire. Jamais personne n’est venu pour contrôler quoi que ce soit, mais jamais personne n’est venu pour me demander si j’avais besoin de quelque chose.
On participe pourtant au cadre de vie du quartier qui peut se vendre dans une belle brochure !
Après je ne m’intéresse pas à la politique et dans un bistrot il ne vaut mieux pas en parler.
Quand tu as le temps, tu aimes aller écouter des concerts dans quel bar à Rennes ?
J’aime le concept mais je sors très rarement voir des concerts dans les bars. J’ai une vie de famille maintenant. J’aime la Mie Mobile, le Marquis de Sade, le Oan’s Pub. Mais ici, il y a toujours plein de choses à faire, c’est très chronophage comme métier.
Aurais-tu des conseils à donner pour ouvrir un bar comme l’Aviation ? Des conseils que tu aurais aimé qu’on te donne avant de te lancer ? Des choses à faire et à ne pas faire ?
Ici, j’ai fait un projet de vie. Reprendre un bar de quartier, il faut en avoir très envie et s’y sentir bien. Cela te donne la motivation. Par contre, cela coûte cher de se casser la gueule et personne ne t’aide. L’erreur à ne surtout pas commettre est de s’accrocher à la pompe. Et puis, cela m’a pris quand j’ai eu 40 ans, une envie de changer de vie. Alors attendez-vous à cette envie dans quelques années !
C’est quoi le budget moyen pour venir passer une bonne soirée à l’Aviation ? L’entrée et la bière de base sont à combien ?
Ici, il n’y a pas d’entrée, les concerts sont au chapeau ! La bière de base est à 2,50 euros.
Les gens donnent en moyenne 3 euros au chapeau. Vous buvez toujours 3 bières pendant votre soirée car vous êtes toujours aussi raisonnable que l’année dernière. Vous prenez encore et toujours la bière la moins chère !
Chapeau 3 euros + 3×2,50 euros de bières = 10,50 euros pour une bonne soirée à l’Aviation.
On pourra venir écouter des concerts encore longtemps à l’Aviation ? Tu as peut-être d’autres projets en tête ? Des envies d’ailleurs ?
J’espère bien ! Tant que je n’ai pas d’ennuis et qu’on ne m’impose pas des normes. Ici, c’est impossible ! Il faudrait que je change les vitrines, que je grignote le plafond. Le bâtiment est impossible à insonoriser.
Merci Cyril.
Lire l’épisode suivant : l’épisode 11 avec Christophe de la Mie Mobile.
Vous n’aviez pas eu le temps de lire tous nos comptoirs d’été de la première saison ? Ils sont tous ici.
Propos recueillis par Cath
Crédit photo : Mozpic’s Mo
L’Aviation : 13 rue Lobineau à Rennes
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